Deuxième jour de notre marathon parmi les 500 groupes invités par le festival anglais
Bonne nouvelle de ce second jour de The Great Escape à Brighton : les Nord-Irlandais de TOUTS rejouent, dans la cave d’un café proche du front de mer. On les avait zappés la veille au profit des géniaux Bodega, dont le concert alimente avec fougue le bouche à oreilles entre les festivaliers. Ils devraient s’imposer comme une des révélations du festival – et de ceux de l’été 2019 !
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Rock prolo et hip-hop gouailleur
D’entrée de jeu, on est sidéré par l’épaisseur d’un accent de Derry à couper au cran d’arrêt, mais aussi par le fulgurance systématique des chansons de TOUTS, qui ressemblent à un film de Ken Loach sur les guerres civiles tassé, accéléré en deux minutes intenses et affolées. Car le groupe joue à 300bpm un punk-rock mollardé, beau comme du Undertones speedé – le chanteur présente d’ailleurs un nouveau titre comme “cette chanson s’appelle Teenage Kicks« , en clin d’œil reconnaissant aux vénérables héros locaux. Formé et déformé par des tournées incessantes – avec Paul Weller ou Liam Gallagher – ce rock prolo, teigneux, urgent n’attend désormais plus que deux ou trois refrains pour porter haut et loin cette emphase, cette énergie fabuleuse.
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On avait découvert la gouaille et le flow old-school du Londonien Jimothy Lacoste sur une poignée de vidéos sur lesquelles le hip-hop anglais oubliait un peu de sa noirceur systématique, des complexes guerres de quartiers. Sur scène, le doux descendant du New York eighties du hippie-hop impressionne par sa capacité à faire remuer les bras – un coup sur la droite, un coup sur la gauche oh oh – d’un public professionnel peu réputé pour son effort de participation voire d’enthousiasme. Alors bien sûr ce concert en formation ultra-light (DJ indolent, MC à la gestuelle limitée) se joue souvent aux limites du joli joujou, du gadget de saison. Mais ce n’est pas bien grave, tant Jimothy Lacoste travaille tout en souplesse vos chevilles et zygomatiques.
Nick Cave dans le public
Autre facette du rap anglais avec le très impressionnant Octavian, nettement plus en contact avec le pouls tachycardique du Londres 2018, avec cet affolement sonique, avec ce besoin de danser en attendant le carnage. Car Octavian et son DJ restent constamment écartelés entre suavité et désordre, dans un post-grime, un r&b futuriste et anguleux qui font chaud aux corps et froid ans le dos.
Ambiance moins urbaine et angoissante pour le concert dans le noir complet de Chilli Jesson. Cinq ans après, il revient au Great Escape qui avait révélé et lancé ses flamboyants Palma Violets. Désormais au micro de Crewel Intentions, encore un nom foireux, Chilli continue d’incarner une vision très romantique et déglinguée du rock’n’roll de salon. Pas étonnant, dans ces conditions, de croiser Nick Cave dans le public : il est la matrice même de cette musique. De quoi rajouter de la pression au pauvre Chilli, dont c’est un des premiers concerts « solo »… Il s’en sort avec élégance, jouant un rock moins porté sur les trottoirs londoniens, nettement plus influencé par les lignes de fuites américaines, à la Nick Cave justement (sur les genoux duquel il sautait enfant, mais c’est une autre histoire). En surprenant crooner pour cowgirls, Chilli séduit, même s’il manque parfois de chansons pour porter ce chant écorché, ces atmosphères cinématographiques…
Cauchemar eighties
On le répète : on ne mesure pas vraiment en France l’influence et le rayonnement de Fat White Family sur la scène anglaise actuelle. On s’en aperçoit une fois encore ce soir dans le psychédélisme tournoyant des Londoniens de Hotel Lux. Car même s’ils ont oublié de forcer sur le souffre (et les drogues), ils continuent le travail de sape, de destruction des formats opérés par leurs illustres aînés, chantant avec fougue l’ennui et le désœuvrement. Couvés par l’équipe qui gère le site et magazine So Young, les garçons de Hotel Lux chante faux, jouent mal mais maîtrisent ce qui compte le plus, pour démarrer au moins dans ce rock de vauriens : l’attitude plus que l’aptitude.
On finit le marathon du jour avec Gus Dapperton dans la cave adorée de The Arch du front de mer. Avec sa sono inouïe, le club est l’outil idéal pour les quatre facétieux jeunes hommes, danseurs mondains très convaincants. Ils jouent en toute décontraction une pop vaguement électronifiée et remuante, frappée de coups de soleil et pleine de sons cools, de beats cordiaux. C’est souvent un peu niais, fringué comme un cauchemar des eighties, toujours dansant, systématiquement optimiste. Ils jouent ce soir à quelques centaines de mètres du refuge brightonien de Joseph Mount et si le leader de Metronomy entend les échos des rares moments précieux de ce concert, il risque d’en faire une nuit agitée. Nous, on les gardera au frais pour l’instant Apérol.
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