Le collectif multimédia et londonien Breton est sans doute l’un des groupes les plus passionnants du moment : son leader Roman Rappak s’explique dans une longue et passionnante interview.
Comment c’était, quand vous avez commencé à écrire de la musique ?
Très abstrait. C’était surtout des bandes-son pour nos films. Nous avons joué des concerts dans de tous petits endroits, à Londres, des squats, des endroits punks, ou un peu arty…
Cette squat culture est quelque chose d’important, pour vous, je me trompe ?
Non, ça a effectivement été très important pour nous. A Londres, les choix des salles ou l’esthétique des groupes est souvent très cadré, restreint, marketé –ça n’a au final plus grand-chose à voir avec la bonne musique, ça ressemble à des coups publicitaires plus qu’autre chose.
Justement, tu n’as jamais eu peur de tomber là-dedans, avec Breton ?
Jamais, non, honnêtement. Nous sommes tellement enfermé dans notre univers que j’ai l’impression d’être protégé de tout ça. Ces groupes ne sont que des influences, celles d’autres groupes, celles de magazines…
Sur quoi vous retrouvez-vous, en tant que collectif artistique ?
Je crois que le point commun que nous avons est une sorte de naïveté dans ce que nous faisons. Je crois que si quelqu’un écoute une de nos chansons et l’aime, ce n’est pas parce que j’ai tout calculé, fait en sorte qu’on sonne comme tel ou tel autre groupe, qu’on sonne cool, qu’aimer cette chanson impressionnera un peu une nana qui l’attire. J’espère juste qu’il y ait quelques putains de solitaires désespérés et introspectifs qui aiment notre musique juste pour ce qu’elle est ; parce que c’était ce que j’étais quand je l’ai écrite. Si jamais ça ne devait pas ressembler à ça, ce serait totalement par accident…
Mais quand quelque chose t’attrape, que tu te passionnes pour la musique, pour la peinture, pour la photo, tu dois te plonger totalement dedans, ne pas te poser de question, notamment sur ta compétence, ne pas te dire que tu ne sais pas faire, que ta voix est fausse, que tes photos sont floues. Quand tu aimes quelque chose, quelle qu’elle soit, tu dois le poursuivre. Si tu le fais, ce que tu crées sera la chose la plus honnête qui soit, elle restera fauve, elle ne sera pas marquée par les gens qui ne font qu’essayer de jouer le jeu de la photographie, de la musique, du journalisme, qui jouent selon les règles, juste parce qu’ils trouvent ça cool. Il y a quelque chose d’héroïque dans l’exploration innocente des choses. Et c’est sans doute ce que nous avons en commun : nous sommes tous convaincus que si on fait quelque chose qu’on aime, cette chose trouvera sa place dans le monde.
Et en termes esthétiques, vous aviez aussi des choses en commun ?
L’avantage qu’on a, c’est que si je déteste beaucoup des groupes que Ian adore, j’adore beaucoup de films qu’il aime. Nous sommes donc souvent d’accord quand on fait du film. Et quand j’écris de la musique, je ne lui joue pas, je sais qu’il ne va pas aimer.
C’est un dialogue permanent, entre tous les médias sur lesquels vous vous penchez ?
Oui, musique, film, le design graphique de nos t-shirts –on a beaucoup discuté sur ces aspects graphiques, aussi. On fait tout nous-mêmes. Penser qu’on ne peut pas faire quelque chose parce qu’on ne maîtrise pas le savoir est une manière de tomber dans la facilité. La culture populaire… Si tu aimes un t-shirts, alors ça a une valeur. Si tu aimes un remix débile, avec deux notes et trois beats, ça a une valeur aussi. Ce n’est pas parce que tu mâches un mauvais chewing-gum, que tu vas au McDonalds, que tu ne peux pas également aller te ravir dans un grand restaurant gastronomique…