Sensuelle, banale ou écoeurante, on aimerait que Tori Amos choisisse son camp: copine de PJ Harvey ou d’Elton John ? Le titre du premier album de Tori Amos, Little earthquakes, figurait la plus juste des mises en garde concernant son auteur: chez elle, ni effusion de lave bouillante ni cyclone dévastateur ne paraissaient tolérés. A […]
Sensuelle, banale ou écoeurante, on aimerait que Tori Amos choisisse son camp: copine de PJ Harvey ou d’Elton John ?
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Le titre du premier album de Tori Amos, Little earthquakes, figurait la plus juste des mises en garde concernant son auteur: chez elle, ni effusion de lave bouillante ni cyclone dévastateur ne paraissaient tolérés. A peine quelques domestiques, tourment de nombrils, révolutions d’alcôves, comme en témoigna cette version de Smells like teen spirit pudiquement (dissimulée sur une face B -et aussi cosy que l’originale était insurgée. Depuis, on aura appris à observer entre les lignes, dans les marges de carnets intimes, à voir en elle autre chose qu’une Kate Bush relookée en sœur Brontë. On sait pourtant que Tori Amos ne sera jamais Lisa Germano, ni même Suzanne Vega, que sa voix à filer des vapeurs aux vieux satyres des Grammy Awards Ia situe à priori du mauvais côté. On peut d’ailleurs s’attendre un jour ou l’autre à la voir fréquenter Peter Gabriel ou Elton John – et tout cela nous dégoûte par avance. On pourrait même, l’extrême, ne voir en elle q une Céline Dion en pension chez Bovary, moins bovine et finalementassez mûre artistiquement pour se laisser parer d’orchestrations qui la distinguent avantageusement du troupeau des sopranos d’opérette qui affolent les diodes des autoradios yuppies. Boys for Pele donne ainsi à entendre un clavecin entêtant, des passages simili-baroques très distingués et beaucoup, de piano liquoreux servi avec la voix nue de la belle, comme le
plus raffiné des cocktails. Comme avant elle Joni Mitchell ou Steely Dan, Tori Amos fragilise ces frontières casse-tête que l’on se plaît à dresser entre un monde lisse ennuyeux et autre où dominerait une intense pression. On passe, à l’écoute de ce troisième album, d’un sentiment d’admiration forcée -la beauté de certaines mélodies, finesse de maille du tissu sonore- à un agacement poli -l’usage immodéré de ces cabrioles d’octaves, le confinement modeste de l’ensemble qui vire peu a peu la leçon d’économie -sans pouvoir trancher réellement en bout de course. Tori Amos possède pour horizon un chemin pavé d’or, celui d’une reconnaissance mondiale assurée, qui passera accessoirement par nos discothèques. A condition que le gros Elton ne la mange pas.
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