Le second album du duo BOY HARSHER cultive, avec une écriture toujours intime et soignée, la veine electro dark prenante qui a fait son succès.
Boy Harsher a initialement marqué les esprits avec une mise à nu assez rare dans la musique électronique industrielle actuelle, souvent beaucoup plus à l’aise dans un jeu provocateur avec les symboles et les références. Au milieu des sonorités froides et martiales héritées des factions synthétiques des années 1980, le duo se dévoile, depuis ses débuts, entre journal intime torturé et autofiction émotionnelle. C’est ce qui a fait le succès du titre Pain en 2014, devenu par accident un hit des soirées punk et techno avec son imparable refrain “Pain kills the rhythm” et qui mettait sur la table sans équivoque les relations compliquées des deux membres du groupe, incapables de ne pas se faire souffrir l’un l’autre.
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Careful, nouvel album publié sur leur propre label, Nude Club (une autre façon de mettre à mort les faux-semblants), continue de creuser le sillon d’une musique sombre et dansante qui dégueule son chagrin avec force et sincérité. Une approche cathartique à relier, peut-être, à la culture indie des membres du groupe.
Brutale et émouvante
“Mon premier coup de cœur musical a été The Glow part. 2 de The Microphones. J’étais une outsider de 15 ans et cette musique m’a parlé tout de suite”, raconte Jae Matthews, chanteuse du groupe, à propos de cette pierre angulaire du rock lo-fi américain. Brutale et extrêmement émouvante, l’approche de Phil Elverum (leader de The Microphones, également derrière le projet Mount Eerie) transpire derrière un morceau comme The Look You Gave (Jerry). La voix de Jae y égrène les confessions et promène ses intonations profondes (lointaines cousines de celles de Liz Fraser) sur les autoroutes imperturbables de son binôme, Augustus Muller.
“C’est le morceau le plus important pour moi sur cet album, raconte la chanteuse. C’est une sorte d’éloge funèbre pour mon beau-père décédé. Quand je l’ai écrit, ça m’a rappelé tous les gens autour de moi que j’ai perdus. Les paroles essaient de trouver un remède à tous ces moments difficiles.”
Des influences diverses
Moins metal que Youth Code et moins control freak que The Soft Moon, Boy Harsher reste très imprégné par la musique des années 1980 dans un prisme large, typique d’une génération née avec internet. Ainsi, à l’écoute de ces dix titres synthétiques, on pensera autant à Nitzer Ebb que Yello, Kraftwerk ou Skinny Puppy. Le groupe échappe à l’exercice de style ou à l’hommage ampoulé, grâce à ses qualités d’écriture, donc, et à quelques arrangements opposant des respirations ambient ou narratives à une musique cold dont on regrette parfois l’aspect monolithique ou monotone.
« La hype est quelque chose de stupide »
Minimale et puissante, l’architecture sonore de Boy Harsher ne semble pas obsédée par l’idée de devoir réitérer le hold-up de Pain et, plus généralement, de vendre son cul. On appréciera ainsi les écarts de conduite que constituent Lost et ses tressaillements electro-pop ou Come Closer qui semble se vautrer avec délectation dans une EBM bête et méchante. Et le duo prouve avec des titres comme LA ou Face the Fire, choisis comme les deux singles de cet album, qu’il est capable de faire entrer un peu de lumière dans sa musique tout en retrouvant une partie de la gouaille morbide qui a fait le succès de son premier tube.
“La hype est quelque chose de stupide. On voulait sortir un disque en dehors de toutes ces considérations. Je trouve ça vraiment malsain d’essayer de respecter des standards un peu fourbes de création, ou de reproduire ce qui est populaire. Je préfère rester connectée à mon travail et avoir un public qui apprécie ce qu’on crée, sincèrement”, explique Jae Matthews. Avec Careful, Boy Harsher écrit une nouvelle page de son histoire sans tomber dans la facilité et la redite. Une belle maîtrise du chaos.
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