Ce journal rendra bientôt hommage, dans un numéro hors série, aux grands cocus de l’histoire du rock : ceux qui, arrivés trop tôt, n’auront essuyé que les plâtres, les quolibets et l’incompréhension crasse de leurs contemporains. Jonathan Fire*Eater, gandins de caniveau qui préfiguraient de manière scandaleuse le son anxieux, la clarté pop et la dégaine […]
Ce journal rendra bientôt hommage, dans un numéro hors série, aux grands cocus de l’histoire du rock : ceux qui, arrivés trop tôt, n’auront essuyé que les plâtres, les quolibets et l’incompréhension crasse de leurs contemporains. Jonathan Fire*Eater, gandins de caniveau qui préfiguraient de manière scandaleuse le son anxieux, la clarté pop et la dégaine altière des Strokes, y mériteraient un chapitre. Fantastique groupe de scène et responsable d’hymnes tremblants et exaspérés, ces gosses de riches de Washington se ruineront, à la fin des années 90, à vivre sans distance leurs fantasmes de rock’n’roll romantique et déglingué.
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Majoritaires dans les Walkmen, les ex-Jonathan Fire*Eater continuent, sur ce second album, à désosser le rock lyrique : outrageusement romantique et fragile, le chant éraflé d’Hamilton Leithauser évoque les fièvres noires de Mike Scott (The Waterboys), poussé au déraillement par une meute de guitares tourmentées. Du monumental The Rat à l’atmosphérique 138th Street, c’est un étrange rock héroïque que jouent ces Walkmen, étincelant et rongé par la mélancolie, désespéré mais insolent, qui se recoiffe avec élégance alors qu’il est au fond du trou.
Nettement plus imaginatifs, audacieux et habités que l’immense majorité des groupes récemment poussés dans le cambouis du garage-rock, les Walkmen connaissent bien évidemment le Velvet (ces rythmiques épileptiques), Sonic Youth (ces chansons déchiquetées) et Television (ces guitares multilingues) sur le bout des ongles rongés, mais leur mythologie new-yorkaise n’est jamais figée, jamais écrite dans le marbre d’une pierre tombale. Agité par une urgence et une fièvre qui peuvent rendre très inconfortable son écoute un jour de grand soleil, Bows + Arrows impose résolument son ambiance délétère : celle d’un cabaret où l’orchestre, obstiné et patraque, continuerait de jouer après le meurtre du rock. Leur romantisme les perdra.
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