En marge des expérimentations blues-house, St Germain invente le easy listening underground. Quand ont débarqué en 1993 les premières productions de Ludovic Navarre sous le pseudo de St Germain, il y eut comme un souffle de soulagement dans la house française. Enfin, une production d’ici était digne du reste de l’Europe, de l’Amérique. On ne […]
En marge des expérimentations blues-house, St Germain invente le easy listening underground.
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Quand ont débarqué en 1993 les premières productions de Ludovic Navarre sous le pseudo de St Germain, il y eut comme un souffle de soulagement dans la house française. Enfin, une production d’ici était digne du reste de l’Europe, de l’Amérique. On ne présentait pas les disques de St Germain à ses amis sur le ton gêné de «écoute ça, c’est français, mais vraiment bien », on disait plus simplement «écoute ça, c’est vraiment bien ». Enfin, la nationalité devenait accessoire. Une première. Il n’était plus temps d’espérer, mais de comptabiliser les succès.
Et puis, est venue la reconnaissance extérieure. Comme une confirmation. Une récompense. Le plaisir de découvrir dans les playlists des plus mythiques DJ’s américains ce weird french mix of house and blues »: Ludovic Navarre était cité par Kenny Dope, Roger Sanchez ou Tony Humphries. Un peu comme si Lou Reed, Leonard Cohen et Nick Cave venaient frapper sur l’épaule de Kat Onoma: « cool tunes, man ! ». La force de St Germain est double. On dit souvent des Français, dans le rock notamment, qu’ils souffrent d’un principal défaut: le son. Façon faux-derche de se voiler la face. Car le problème est plus profond: dans la majorité des cas, aucune acuité, aucune vision réelle, pertinente voire futuriste de la musique.
Au mieux, il proposent une copie conforme, à l’aide d’un producteur anglais réputé, d’un son déjà daté à sa sortie. Navarre, lui, a tapé immédiatement dans le mille. Ses productions étaient pertinentes, justifiées, toujours intelligentes. Tout en inscrivant sa musique dans une tradition respectueuse du son new-yorkais, Navarre proposait des collages subtils, samplant du blues roots avec des beats house minimalistes. Mais loin d’être une simple recette anecdotique ? le mariage rive gauche du blues et de la house ?, l’expérience St Germain s’ est étendue sur ce premier vrai album, compilation repensée des trois précédents maxis. Pour la première fois, on est autorisé à suivre Navarre sur la longueur d’un album. Se méfiant du format, il a été obligé de sortir un peu plus de ses gonds, à pousser le projet St Germain vers une extrémité rare dans le milieu house : s’entourer de musiciens live ? et l’on parle ici des musicos de studio français, de leurs catogans et de leur admiration pour Jonasz. Forcément, le résultat surprend: dès le troisième titre, Street scene, le son St Germain prend des allures controversées d’acid-jazz ou d’« easy listening underground », comme le décrit Navarre. Si l’on réserve son jugement pour ses titres live, on reste subjugué par la qualité sublimement deep ? et donc soul ? d’un What’s new, où Navarre remercie tous les grands de la house. On prenait Navarre pour un expérimentateur moderniste et l’on se retrouve avec un amoureux des traditions et du son léché. Weird French guy , s’étonnera-t-on.
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