Dans un titre mis en ligne hier soir, Booba répond brusquement à La Fouine, à Rohff et à son frère Ikbal, ravivant un long clash dont la tension semblait retombée. La gorge bourrée d’autotune, le rappeur boulonnais y enferme tous ses adversaires dans le même sac et cogne dessus à grand coups de latte. Grosse ambiance.
L’affaire avait commencé bêtement : si l’on sait que Rohff et Booba sont en indélicatesse depuis des années pour une affaire de collaboration avortée – mais sur laquelle des zones d’ombre laissent penser qu’il s’agit plus d’une guerre d’ego que de l’affront financier souvent invoqué –, la tension montait d’un cran en aout dernier, lorsque le rappeur de Vitry, venu soutenir son frère Ikbal (du groupe TLF), à l’occasion d’une émission sur Skyrock, traitait Booba de zoulette en direct. Dès lors, toute détente était compromise : lorsque, quelques mois plus tard, sortait le titre Wesh Morray, premier extrait de Futur, nouvel album de Booba, une évidente tension planait sur chaque rime, chaque boutade, chaque punchline du morceau. A qui s’adressait vraiment ce titre ? Pour Rohff, c’était une évidence : quelques jours plus tard, reprenant le même beat, le rappeur larguait Wesh Zoulette, une salade pas trop mal troussée et bourrée d’une rage sanglante qui, pour le coup, ne faisait pas mystère de son destinataire.
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Silencieux, Booba ne mouftait pas, posant une dernière touche à son nouvel album, regardant le rap game « par le hublot ». Rien, pas un tweet qui ne ressemble à l’esquisse d’une réponse, pas un mot, pas un gramme de son, tandis que Rohff partait en croisade sur les réseaux sociaux, probablement furax que les choses en restent là. En réalité, Booba attendait juste son heure et la horde de micro que les journalistes allaient lui coller sou le bec au moment de la sortie de Futur. Ce qui n’a pas loupé : début novembre, il déversait alors, du Parisien à Libération en passant par une myriade de médias spécialisés ou non, des tombereaux d’insultes et de mise en garde à l’attention de son adversaire. « Mon rap le terrasse depuis le début. C’est une sous-merde, lui. Wesh Morray n’est même pas un son pour lui. (…) Il a pris Wesh Morray pour lui et il s’est excité tout seul. Il a dit des trucs sales et il croit que je vais en rester à la musique ? », posait-il au micro de l’ABCDRduson. Allant même jusqu’à proposer un combat sur un ring, Booba a donc passé la fin de l’année à crépir d’insultes Rohff, et accessoirement La Fouine, lequel entrait maladroitement dans l’affaire en vidant son sac sur le morceau Paname Boss, tout en réitérant en interview. Double embrouille.
La tension semblait être retombée depuis, quoique les réseaux bruissaient encore, désignant tantôt l’un tantôt l’autre comme vainqueur, jusqu’à ce lundi 21 janvier : sur sa chaîne YouTube, Booba distribue des coups de latte gratos avec le titre AC Milan. Et si le lascar ne s’est jamais illustré avec grandeur dans l’exercice du clash, du pâle Carton rose adressé en 2008 à Sinik jusqu’à se très mauvaise en réponse au J’t’emmerde de Jean Gab’1, ce AC Milan possède certaines qualités. D’abord parce qu’il y a matière : en patientant longuement, le Météore a accumulé un certain nombre de dossiers et essuyé en certain nombre d’affronts auxquels il répond point par point. Il y écorche notamment les embrouilles de Rohff avec son frère, les aventures d’Ikbal en prison lorsqu’ils étaient incarcérés ensemble, et glisse au passage un extrait du – brillant – dossier STIC de La Fouine, récemment révélé à des internautes par une fonctionnaire de police peu regardante. L’attaque a beau être facile, elle demeure divertissante.
Mais il y a plus : le plus frappant dans ce titre demeure le flegme et la nonchalance avec lesquels Booba déroule les faits. Un flow tranquille, une colère décalée, un contraste qui fait de ce AC Milan un bouquet d’insolence radieuse – en dépit d’un beat un peu paresseux. Au-delà des reproches bruts, qui ne heurtent pas des sommets à chaque ligne, c’est aussi dans cette attitude détachée que vient compéter une phraséologie un peu nébuleuse que se niche l’intérêt du titre. Une espèce de soliloque infini dont le décodage frise parfois l’absurde, une sémantique difforme sertie de rutilantes failles lexicales qu’on dirait coupées au syrup.
http://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/booba-naime-pas-clasher-sauf-quand-il-faut-le-faire/
C’est peut dire que ce AC Milan a remis le feu au poudres – en même temps qu’il fait enfin rentrer Booba dans le jeu du clash auquel il s’adonne rarement, préférant s’attaquer à des animateurs radios ou des chanteurs de R’n’B sans défense. Twitter vit désormais une avalanche d’insultes, de menaces et de pronostics, La Fouine promet un titre pour la fin de la semaine et TLF lâchera le sien mercredi soir. Pour La Fouine, dont le nouvel album paraîtra dans quelques jours, le challenge est de taille et on l’imagine sans mal peser les mots pour cette réponse que tout le monde attend – le rappeur de Trappes possède d’ailleurs toutes les armes pour s’en sortir correctement. Mais ne nous leurrons pas : si Booba a lâché ce titre à ce moment précis, c’est aussi qu’il a quelque chose à vendre. Deux mois après la sortie de Futur, les ventes commencent fatalement à ralentir, tandis que débutera début avril sa tournée des Zénith. Du-du-du-bif…
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