Bonnie Prince Billy sort discrètement l’un de ses disques majeurs, joué au plus près de l’os, en compagnie d’un jeune inconnu folk, Emmett Kelly, venu se mettre à son service.
C’est un disque qui est arrivé presque par hasard – sans rumeur, sans promotion –, comme d’ailleurs un peu tout ce que fait Will Oldham, aka Bonnie Prince Billy. Tout ce qu’on aura su, c’est que l’artiste ne souhaitait pas parler de ce nouvel album et qu’il faudrait se contenter d’un teaser balancé sur le net, montrant un petit cul d’homme roulant sur lui-même, le tout sur une reprise coolos du chanteur country Conway Twitty (Play, Guitar, Play, qui finalement n’est même pas sur l’album).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Après quelques recherches, on apprendra tout de même que ce tout nouveau Bonnie Prince Billy a été enregistré l’an passé avec The Cairo Gang (un jeune homme du nom d’Emmett Kelly). On ne sait pas ce que ce Californien a fait au barbu [attachment id=298]magnifique, mais le résultat est tout simplement grandiose. Jamais depuis The Letting Go, son dernier album majeur, paru en 2006, Will Oldham n’avait paru aussi proche de la perfection.
Sur des lignes de guitare ultra dépouillées qui peuvent rappeler Ry Cooder – ne vous inquiétez pas –, Oldham couche sa voix sur des textes d’une simplicité et d’une ampleur considérables. C’est lent, c’est beau, parfois lunaire, et au travers de cette collection de dix chansons Oldham semble trouver un tout nouveau souffle. Loin des aventures nues et terreuses de ses premier disques (surtout ceux de Palace), il se place en commentateur poétique et pileux d’un monde à la nature généreuse et chatoyante, où la vie vaudrait d’être vécue, l’amour serait possible et le temps un allié (revoir le film Old Joy, sorti au cinéma en 2007, dont il est le héros tranquille).
The Wonder Show of the World se déroule ainsi avec une grâce incroyable, s’habite un peu plus à chaque écoute, faisant d’Oldham un ami toujours plus précieux, un guide serein. Troublesome Houses, très Neil Young, parfait morceau d’ouverture, pose immédiatement les bases du disque : cette musique vous est jouée d’un porche paisible, à la tombée du jour, et elle enrobe des questions qui n’appellent pas forcément de réponses, formulées avec soin par la voix incomparable d’Oldham, qui atteint ici des sommets.
On pense à des trucs de Bert Jansch, un minimum aux Fleet Foxes (With Cornstalks or Among Them ou Someone Coming through, qui les mettent sacrément à l’amende), et à une sorte de Roy Orbison spatial, joué au ralenti et en 3D, entre soul à quai et country planante. Le tout est parfois un peu dur d’accès, mais son ambition diabolique mérite tous les acharnements : on en finit la conquête usé, au bord des larmes, vidé de beaucoup de choses et rempli d’envies nouvelles (l’écoute de The Sounds Are Always Begging peut faire acheter des chaussures de marche, attention tout de même).
Disque indispensable, The Wonder Show of the World se conclut sur ce que l’on peut considérer comme l’un des plus beaux morceaux jamais écrits par le gars du Kentucky, Kids, dont l’implacable ritournelle, la montée sourde et la conclusion nonchalante ne sont pas sans rappeler les grandes heures du Leonard Cohen de New Skin for the Old Ceremony.
Album : The Wonder Show of the World (Domino/Pias)
{"type":"Banniere-Basse"}