De Robbie Williams à Fatboy Slim, tout le monde fait son marché au rayon BO pour dégoter le sample ultime ou la boucle en or. Petit survol rapide de quelques emprunts plus ou moins payants.
Pour une poignée de dollars, histoire de s’acquitter des droits légaux d’utilisation d’un sample, n’importe qui peut s’offrir aujourd’hui le grand frisson d’un orchestre dirigé par la main d’Ennio Morricone ou par celle de Bernard Herrmann, la dynamique d’une section de cuivre astiquée par John Barry ou Lalo Schifrin, la pulsation incomparable d’un score d’Isaac Hayes. Et pour quelques dollars de plus, on peut même faire de l’emprunt à la richissime banque des musiques de films, un procédé récurrent, et s’assurer un retour sur investissement quasi certain, les thèmes de film étant tellement présents dans l’inconscient collectif qu’ils provoquent presque instantanément l’adhésion.
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De mémoire récente, le très roublard Robbie Williams a ainsi exploité à fond ce filon, d’abord en vampirisant un thème bondien archiconnu, You Only Live Twice (John Barry, 1967) sur son hit Millennium, puis en recyclant l’un des thèmes les plus forts du John Barry français, François de Roubaix. L’entêtant Supreme, par ailleurs véritable monstre de Frankenstein musical, doit ainsi beaucoup à la splendide musique de Dernier domicile connu (film de José Giovanni, 1969) à un point tel qu’un autre tube du moment, le That’s my Name du rappeur prépubère Lil Bow Wow, l’utilise également comme béquille.
Les films mis en musique par de Roubaix passaient avant sur M6 en troisième partie de soirée, leur musique seule s’offre désormais un boulevard (des clips) tous les matins. L’internationale down-tempo, hip-hop ou techno s’abreuve régulièrement à la source des BO, la brèche ayant été largement ouverte par Portishead voici six ans, lorsque le magnétique Sour Times aimantait un extrait languide du soundtrack de More Mission Impossible (The Danube Incident, Lalo Schifrin, 1968).
Les mêmes Portishead, sur leur second album, truffaient l’inquiétant Only You d’une ritournelle chapardée à Henry Mancini, extraite de la bande orginale de La Panthère rose (The Inspector Clouseau Theme). Pas très loin de là, les Bristoliens érudits d’Alpha ont écumé la discographie de nos maîtres français du soundtrack pour nourrir les grands espaces climatiques de leur magnifique premier album, Come from Heaven. Michel Legrand s’y laissait dépouiller à deux reprises, d’abord sur Delaney (sample de Delaney takes a Break, extrait de Le Mans, 1971), puis sur Nyquil qui remaquillait le célébrissime The Windmills of your Mind (extrait de L’Affaire Thomas Crown, 1968). Quant à Francis Lai, il voyait son Plus fort que nous (extrait d’Un homme et une femme, 1966) remis en selle sur le titre With, toujours tiré du même album. Plus fort que nous a aussi servi de colonne vertébrale au titre d’ouverture du premier album du Suédois Jay-Jay Johansson, It hurts me so, sans que celui-ci ne prenne la peine de déclarer l’emprunt (pourtant flagrant) à la douane des droits d’auteur.
Une autre des musiques écrites par Lai pour Lelouch, Vivre pour vivre (1967), est entrée dans la composition du Beef Jerky des craquettes nippones de Cibo Matto, lesquelles n’ont pas hésité à aller faire également leurs courses chez l’inévitable Ennio Morricone pour épicer leur Sugar Water (sample de Sosperi nel ciero, titre extrait de I Malamondo, 1964).
Il serait vain de répertorier ici tous les samples de Morricone, le grand manitou italien figurant en première place du dépouillement systématique, l’étendue de son uvre et son génie quasi surréel attirant plus que tout autre les convoitises. Citons au hasard The Orb et leur Little Fluffy Clouds (sample de Il était une fois dans l’Ouest) ou David Holmes et Ashley Beedle sur le titre De Niro (sample de Il était une fois en Amérique), et évidemment Goldfrapp, dont le Utopia reprend note à note l’immortelle mélodie du Clan des Siciliens. Dans le hip-hop américain, la préférence va naturellement aux scores blaxploitation, et en premier lieu au Superfly de Curtis Mayfield, dépecé entre autres par les Beastie Boys (Egg Man) et Gangstarr (Gusto). The Herbaliser, eux, ont jeté leur dévolu sur une merveille obscure de l’Anglais Roy Budd (le Car Chase de Fear in the Key, 1972) sur A Mother for your Mind. Quant à Fatboy Slim, qui fréquente amoureusement les boutiques de collectors de Brighton (voir dans ce numéro p. 32), il a su faire des guitares surf du premier soundtrack de John Barry (Beat Girl, 1960) le ressort guerrier de son ébouriffant Rockafeller Skank. Détonant, non ?
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