Pour ses vingt-et-un ans de carrière, Blur réunit ses enregistrements dans un impressionnant coffret. Au total, près de trois cents morceaux pour un des plus captivants chapitres de la pop anglaise. Critique et écoute.
Pour éviter les bides, les labels se dispensent généralement de commercialiser des albums au milieu de l’été. Dans un contexte de crise pourtant difficile, Blur n’a donc peur de rien : pile-poil entre sa courte prestation live diffusée sur Twitter et son concert de clôture des Jeux olympiques à Londres, le groupe publie, le 30 juillet, Blur 21. Soit un copieux et très recommandable coffret réunissant, à peu de choses près, l’ensemble des morceaux enregistrés par le groupe en vingt-et-un ans de carrière. Un projet né lors des retrouvailles de l’été 2009.
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“Quand on s’est réunis pour les concerts d’Hyde Park, explique le bassiste Alex James, il nous a fallu replonger dans chacun de nos disques. On n’avait pas joué ensemble depuis six ans, alors on a organisé des séances de répétition en consacrant une semaine à chaque album. On a travaillé chronologiquement, en commençant par Leisure. On s’est ensuite appliqués à rejouer nos faces B et on a réalisé que des tas de morceaux avaient disparu dans la nature. Le groupe a 21 ans cette année, c’était l’occasion de réunir tout ça.”
Ainsi rassemblée par le guitariste Graham Coxon et le producteur Stephen Street, la discographie des Anglais est vertigineuse. Les sept albums officiels y côtoient une quantité colossale de bonus – presque six heures de musique au total. “On a fouillé dans nos archives personnelles. Au cours des années, on avait accumulé une somme impressionnante de morceaux. Si chaque enregistrement de Blur se retrouvait sur vinyle aujourd’hui, il faudrait une pièce entière pour tout contenir. Certains titres, notamment ceux des débuts, n’avaient été enregistrés que sur cassette, d’autres avaient été simplement abandonnés.”
Fruit de ces expéditions dans les caves et greniers du groupe, Blur 21 constitue une bible, une véritable encyclopédie pop qui renferme (quasiment) tout : albums, singles, demos, instrumentaux, extraits live, faces B, inédits – seuls quelques morceaux offerts avec le magazine du fan-club manquent à l’appel. Bref, le Blur et l’argent du Blur, bien qu’il s’agisse plutôt d’or ici. Même si beaucoup de raretés (The Wassailing Song, Fool’s Day, Don’t Bomb When You’re the Bomb…) étaient déjà bien connues des fans – merci YouTube et les imports asiatiques –, Blur 21 les rend vraiment disponibles pour la première fois.
Surtout, le coffret laisse découvrir de vrais nouveaux chapitres, comme ces sessions enregistrées avec le producteur Bill Laswell ou encore Andy Partridge de XTC, appelé à la rescousse au début des années 90. “On a fait appel à Andy après le mauvais accueil du single Popscene. There’s No Other Way avait très bien marché mais pas le suivant. Andy est venu chapeauter l’enregistrement de chansons qu’on n’a finalement jamais utilisées. La collaboration avec Bill Laswell date de 1997. Il est arrivé dans le studio en me demandant si j’étais le chanteur. J’ai expliqué que j’étais le bassiste. Il a ensuite cru que le chanteur était l’ingénieur du son. Je crois qu’il ne nous connaissait pas très bien (rires)…”
A ces sessions sorties de nulle part s’ajoute une collection d’inédits charmants, comme Cross Channel Love, Saturday Morning, Hope You Find Your Suburbs ou la bien nommée Sir Elton John’s Cock, ainsi qu’une belle brochette de raretés (Beached Whale, Pap Pop) remontant à 1992. Sur DVD, deux concerts viennent compléter l’ensemble : le mythique Live at Alexandra Palace de 1994 donné en pleine Parklife-mania et le concert best-of de Wembley en 1999 qui vit le groupe interpréter chronologiquement tous ses singles. L’ensemble – près de trois cents titres – rédige un chapitre formidable et essentiel de l’histoire de la pop anglaise, illustré par des pochettes signées Banksy, David Shrigley ou Graham Coxon.
Seule ombre à l’éblouissant tableau : ce coffret ne dit rien de l’avenir du groupe, dont le dernier album fête pourtant ses 9 ans cette année. “C’est naturel d’en avoir eu marre après Think Tank. Impossible de ne pas se lasser quand vous passez quinze ans ensemble à faire des disques et des tournées. Ça arrive à tous les groupes. Il y a trois ans, nous avons éprouvé l’envie d’être réunis. Cette année, on nous a proposé de réitérer l’expérience à l’occasion des Jeux olympiques. S’agissant de la suite, nul ne peut vous répondre.” Et nous, alors, on compte pour du b(l)eurre ?
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