Moins d’un an après Negro Swan, Blood Orange revient avec une mixtape enchanteresse et intime qui mêle rap, soul et r’n’b.
L’été dernier paraissait Negro Swan, sublime disque où Devonté Hynes, alias Blood Orange, assumait enfin ses velléités pop après l’exigence du non moins superbe Freetown Sound (2016). Aujourd’hui, le Britannique revient déjà avec Angel’s Pulse, sorte d’expansion et de suite non officielle à son quatrième album.
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Plutôt que de céder aux sirènes de la tradition parfois boursouflée des faces B et autres demos, Dev Hynes propose un exercice de style enlevé : une mixtape en forme d’exutoire et d’épilogue produite dans la foulée de Negro Swan.
Des morceaux de bravoure quasi expérimentaux
A l’instar du récent méta-disque Radio contre-temps de Flavien Berger, Angel’s Pulse est un geste gracile qui contourne sans peine l’écueil souvent mortifère de la publication des chutes de studio. Moins une réflexion sur le processus de création qu’une manière d’évacuer le trop-plein artistique, la mixtape apparaît comme une capsule temporelle, une plongée intime dans la tête de son créateur.
Si intime d’ailleurs que cette mixtape n’avait pas vocation à être publiée. Dans la lettre accompagnant le disque, Devonté explique : “J’ai pris l’habitude, au fil des années, de faire des disques que j’offre à des amis, à des gens dans la rue, ou que je garde pour moi. (…) Cette fois-ci, j’ai décidé de les sortir.”
https://www.youtube.com/watch?v=cR2EzHlPzxA
De cette relecture à chaud des sonorités et des thèmes qui jalonnent Negro Swan, Blood Orange tire une mixtape où les réminiscences de son précédent album se heurtent à une production nécessairement plus lo-fi. Joués, produits et mixés par ses soins, les quatorze titres d’Angel’s Pulse sont autant de morceaux de bravoure quasi expérimentaux que de témoignages du savoir-faire chirurgical de Devonté en matière de pop music. Une ambivalence qui tient au soin tout particulier que le multi-instrumentiste donne à ses mixtapes : “J’y mets autant de travail et d’attention que sur les albums que je sors.”
Du r’n’b céleste
Ainsi, en conviant une foule d’invités qui le supplantent parfois, Blood Orange endosse le rôle d’architecte de ce modeste mais chaleureux édifice : trente petites minutes où s’entrelacent les voix d’Arca, Justine Skye, Gangsta Boo, Toro y Moi ou Tinashe sur des productions rappelant la passion de Dev pour le rap de Memphis, la soul lo-fi remise au goût du jour par The Internet ou le r’n’b céleste qui faisait les beaux jours de Negro Swan. Si certaines plages sortent du lot (Take It Back, Dark & Handsome, Good for You), il s’agit de considérer Angel’s Pulse dans son ensemble, à l’image de l’expérimental second album de Solange, When I Get Home (2019) : une collection de titres hors format tissés dans le même canevas onirique.
Il est hautement improbable que les morceaux de cette mixtape – trop étranges et biscornus – puissent réaliser leur potentiel tubesque. Reste que ces bizarreries lascives et angéliques accompagneront quelques séances de digging nocturne, car à l’écoute d’Angel’s Pulse, un seul regret persiste : pour une belle mixtape, combien d’heures de musique signée Blood Orange avons-nous déjà ratées ?
Théo Dubreuil
Angel’s Pulse (Domino/Sony)
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