Depuis dix ans, Dev Hynes multiplie les incarnations musicales. Alors que le deuxième album de Blood Orange célèbre son amour du transformisme, on a rencontré l’Anglais pour parler musique, travestis et New-York, ville dans laquelle il a posé sa guitare et ses claviers il y a trois paires d’années.
Dans les clips des morceaux Chamakay et Time Will Tell on te voit danser et exécuter quelques mouvements de voguing. C’est une nouvelle passion ?
Ouais, je commence à avoir mes habitudes au Broadway Dance Center. J’adore la danse, je trouve que c’est un super moyen de casser la routine du quotidien. Depuis le premier album de Blood Orange j’essaie de m’inspirer du voguing et plus largement du monde de la nuit dans le New-York des années 80.
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Le nouvel album semble revisiter le même thème musical au fil des chansons. Une culture de l’accoutumance par la répétition de plus en plus fréquente. Comme sur le premier album de Mac DeMarco ou sur les derniers disques de Connan Mockasin et Sébastien Tellier.
J’ai bien aimé My God Is Blue mais je n’ai pas encore écouté le dernier album de Sébastien Tellier. J’aime beaucoup Connan Mockasin également. A la base je n’avais pas prévu de donner un thème spécifique à l’album, tout a pris forme au fil des compositions. Certains passages sont même carrément tirés du premier album : c’est quelque chose que je fais beaucoup. J’aime bien créer des suites en ressuscitant des séquences issues d’anciennes compositions. La chanson finale (Time Will Tell) est une relecture du morceau It Is What It Is présent en début d’album. Au départ je crois que la piste durait une quinzaine de minutes. On a enregistré la chanson dans les conditions du live à New-York puis je l’ai faite écouter à mon ami Kindness et on a tout retravaillé ensemble. C’est d’ailleurs lui qui joue la partie de batterie électronique sur le morceau.
Kindness, Skepta, Friends, Dirty Projectors, une moitié de Chairlift… Il y a beaucoup d’invités sur l’album et il n’y a finalement que très peu de place pour ta voix. Tu préfères écrire des chansons pour toi ou pour les autres ?
C’est très difficile de choisir. J’adore composer pour les autres. Comme j’ai parfois un peu de mal avec ma voix, je prends souvent du plaisir à ne pas chanter. Ca peut paraître convenu mais j’ai l’habitude de penser à moi en dernier et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai invité autant de personnes sur ce disque.
Beaucoup de personnes t’attendaient sur l’album de Sky Ferreira. Finalement tu n’y es pas…
Non. Tous les gens avec qui j’ai travaillé finissent par me haïr on dirait. Je ne serai donc pas sur le prochain album de Solange. Heureusement il y a encore des potes qui arrivent à me supporter ! Je devrais apparaître sur les prochains albums de Kindness, Theophilus London est toujours un bon ami, et je travaille aussi avec Sampha, un chanteur anglais très talentueux qu’il faudra suivre de près l’année prochaine.
Tu as aussi trouvé le temps d’écrire la bande originale de Palo Alto, le premier film de Gia Coppola avec James Franco.
Oui, c’était la première fois que je faisais ce genre de choses. Ca me rend très fier. Je crois que le film devrait sortir en début d’année prochaine. Au départ Gia voulait seulement utiliser le titre Bad Girls dans la B.O du film. Elle m’a ensuite envoyé les images et je lui ai dit que je voulais écrire de nouvelles chansons pour l’occasion. Au final je crois que Bad Girls n’apparaît même pas sur la version finale.
L’été dernier, bien avant la sortie de Cupid Deluxe, tu as décidé de faire écouter l’album à tes fans en exclusivité. Tu peux nous en dire plus ?
Dès que j’ai terminé l’album j’ai eu envie que des gens puissent l’écouter ! J’ai donc écrit un statut sur la page Facebook de Blood Orange en demandant aux personnes habitant New-York de m’envoyer un message avec leur adresse. Je me suis déplacé chez certains d’entre eux avec une copie de l’album pour leur faire écouter. Je crois que ça a duré un mois entier. Je faisais du porte à porte en quelques sortes, comme dans une campagne politique. J’avais vraiment besoin d’avoir le ressenti des gens. Ce qui est plutôt bizarre car je n’ai jamais lu une critique d’album de Blood Orange.
Tu as quitté Londres pour vivre à New-York. Quelle culture a le plus d’influence sur toi ?
Oui, ça doit faire six ans maintenant. Je me sens très anglais et très New-Yorkais. J’ai passé la plus grande partie de ma vie en Angleterre mais New-York c’est vraiment la maison.
Sur le titre High Street tu as invité Skepta : un rappeur que l’on connait peu en France mais qui est très important sur la scène Grime en Angleterre.
Toutes les personnes impliquées sur l’album sont des amis sauf lui. On ne s’est jamais rencontrés mais j’ai toujours été fan de ce qu’il fait. On a beaucoup discuté sur Internet cette année et il a accepté de faire partie de l’album. Il y a aussi un autre rappeur : Despot sur le morceau Clipped On. Il vient de New-York. C’est un super artiste mais il ne doit pas être très connu ici non plus !
Il y a des albums de hip-hop que tu as apprécié ces derniers mois ?
Yeezus, l’album de Kanye West est incroyable. Celui de Kendrick Lamar est sorti il y a plus d’un an je crois mais je l’écoute toujours. J’ai l’impression que 2013 a été une énorme année pour le rap en fait avec les disques de Drake ou d’A$AP Ferg. Et puis je trouve qu’au niveau des textes, Eminem a sorti le meilleur album de sa carrière avec The Marshall Mathers LP2. Je n’arrive pas à m’en défaire. Je connais toutes les paroles de Rap God par cœur…
Ca va faire dix ans que tu fais de la musique. Quelle aurait été ta vie si tu n’avais jamais eu un instrument entre les mains ?
J’ai fait pas mal de foot quand j’étais enfant. A l’époque je rêvais de jouer pour Tottenham mais la musique l’a emporté. Largement !
David Ginola, c’était un tueur quand même !
Ouais, le meilleur.
Propos recueillis par Azzedine Fall
album Blood Orange Cupid Deluxe (Domino)
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