Bleed Like Me, quatrième album de Garbage aurait pu ne jamais voir le jour. Faillite des communications internes, impuissance à composer, frustrations et paranoïa ont ainsi failli avoir raison du groupe, pendant trois années de flottement. Et comme si ce mélodrame n’était pas suffisant pour faire s’écrouler ce frêle et dérisoire édifice que reste un […]
Bleed Like Me, quatrième album de Garbage aurait pu ne jamais voir le jour. Faillite des communications internes, impuissance à composer, frustrations et paranoïa ont ainsi failli avoir raison du groupe, pendant trois années de flottement. Et comme si ce mélodrame n’était pas suffisant pour faire s’écrouler ce frêle et dérisoire édifice que reste un groupe de rock, un kyste (sur les cordes vocales de la chanteuse Shirley Manson) et un semi-remorque fou (qui a détruit, dans sa course, le studio Smart de Garbage à Madison) sont venus rajouter un peu de piquant à cet acharnement des éléments.
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Cela dit, le deuxième album de Garbage n’aurait jamais dû voir le jour non plus. Pas plus que le troisième : démarré comme un simple coup, comme le dernier tour de piste de trois producteurs acclamés pour leur travail avec Nirvana ou les Smashing Pumpkins (Butch Vig, Steve Marker et Duke Erikson), Garbage ne devait être le groupe que d’un album récréatif, Garbage (1995). Mais en inventant, dans son studio-labo Smart, une nouvelle façon de jouer du punk-rock ? en lui imposant les techniques de fabrication et de collage de la dance-music la plus audacieuse de l’époque ?, le quatuor allait décider d’un étalon-son inouï pour les années 90, où sont venus se régénérer aussi bien le rock que l’electro ou même le hip-hop.
Onze millions d’albums vendus plus tard, le groupe, souvent décrit à tort comme le gadget et la créature du génial producteur Butch Vig, s’est donc retrouvé, une nouvelle fois, face à une feuille blanche. Effrayé, tétanisé même par l’ampleur de la tâche, il a souvent jeté l’éponge face au chantier titanesque qu’était devenu un nouvel album de Garbage. Pendant des mois, on annonça la mort du groupe, la carrière solo de sa chanteuse. Mais requinqué par ce que Shirley décrit aujourd’hui comme un « conseiller matrimonial », cette drôle de famille ? trois garçons attachants d’Amérique profonde et une grande gueule adorable d’Ecosse ? a ressuscité le dialogue et les complicités.
Souvent, dans les disques de Garbage, on entendait le fascinant mécanisme cérébral de son studio Smart. Boulimique de sons et de mélodies, cette formidable machine à propulser le rock était devenue plus que le cinquième membre de Garbage : sa raison d’être. Sur Bleed Like Me, par la force d’un camion sans freins, Smart n’a pas été convié : on y entend donc un groupe de rock, sans artifices et sans effets spéciaux, charnel et direct. On y entend aussi la voix de plus en plus maîtresse de Shirley Manson, revenue au bercail après un flirt musical avec son homonyme Marilyn Manson. On y entend, notamment Bleed Like Me, une des chansons les plus gracieuses et cruelles de l’époque. On y entend surtout, intactes et incandescentes, la frustration, la colère et la sensualité de Shirley Manson.
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