Nouveau rejeton charnel de la fantasque école electro pop hip-hop de Philadelphie, Amanda Blank mettra le feu à l’automne. On l’attend avec les extincteurs au Festival des Inrocks.
Nous avons rencontré la chanteuse du troisième type. Mais n’allez pas lui dire qu’elle n’est que la chanteuse de trois types. En l’occurrence, les trois producteurs hype de la sphère electro hip-hop qui ont façonné son album : l’Anglais Switch (Dave Taylor), l’Américain Alex Epton, alias XXXChange du groupe Spank Rock, et surtout son ami, le fidèle Wesley Pentz, plus connu sous le nom de Diplo. A l’opposé d’une marionnette actionnée par ces sorciers de studio, Amanda Mallory est une forte tête de 26 ans à la personnalité aussi affolante que la longueur de ses ongles.
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Avant de se faire lacérer par ces ongles aigus, une mise au point s’impose donc : Amanda Blank incarne la liberté dont se sont emparées les filles du XXIe siècle, sans volonté aucune de s’embarrasser à choisir entre le récit de leurs romances amoureuses et le déballage de leurs parties de jambes en l’air, sans envie de se cantonner au hip-hop, à la pop ou à la dance. Petite soeur des déjà célèbres M.I.A. ou Santigold, dont elle partage les affinités artistiques et la clique de producteurs, Amanda Blank s’affirme au sein d’une génération libre de penser autant à la fête qu’à la fesse, sans délaisser le travail, la famille et sa patrie de Philadelphie. Une ville qui depuis dix ans doit beaucoup aux efforts du blond Diplo, producteur et DJ éclectique fan de hip-hop, de Miami bass, de new-wave 80’s et de dance ensoleillée, qui rapportait dans ses valises de quoi enflammer la ville le temps de ses mythiques soirées Hollertronix.
Tandis que Diplo bâtissait son empire insubmersible, Amanda faisait ses armes en chantant au sein du groupe rock Sweatheart durant quatre ans. “Vers 20 ans, j’ai commencé à écrire des chansons, que j’ai présentées à Spank Rock.” En 2006, une apparition sur leur Bump propulse son nom autour de la planète, vite aidé par sa présence sur le mix Bmore Gutter Music signé Hollertronix. L’année suivante, une prestation sulfureuse sur le Loose de Spank Rock allume plusieurs foyers d’incendie fatals pour l’embrasement général. Pase Rock, N.A.S.A., Ghostface Killah, ou encore le Rémois Yuksek sur son single Extraball et le Parisien Teki Latex sur le remix de Disco Dance with You, en pincent pour la voix de la furie Blank.
Il y a deux ans, elle convoque pour son album I Love You l’équipe qui a bâti sa rampe de lancement : Switch pour la production de l’ensemble et de quelques titres, Diplo et XXXChange pour le reste de l’album, réservant un morceau au New-Yorkais discohouse Eli Escobar. Normal que l’album tergiverse entre de l’electro hip-hop squelettique qui retrouve la folle inspiration des Neptunes (Lemme Get Some), de la pop-rock vitaminée (Make It, Take It), de la dance déglinguée (Might Like You Better) ou bien policée (DJ) et de l’electroclash de fille futile sur un Make-Up repris à Prince.
Les sommets érogènes sont atteints quand elle se fait séductrice languide sur Shame on Me ou sur le troublant A Love Song, inspiré du I’m a Lady de Santigold. Non seulement Amanda Blank ne tient pas sa langue dans sa poche, mais elle s’en sert pour aiguiser l’appétit des mâles, comme sur son Big Heavy, à faire rougir Christine Boutin. Son appel à l’orgasme (“Don’t you drop the bomb, I’ve waited all night long” – “Ne balance surtout pas la bombe, j’ai attendu toute la nuit”) n’est pourtant que le préalable indispensable à sa flamme déclarée en fin de morceau (“I’ll give you all my love… I want your love…”). “Je n’ai pas de problème avec le sexe, la nudité… Je sais qui je suis et ne me préoccupe pas de savoir ce que les gens trouveront peut-être bizarre… Ça me rappelle ce documentaire, 9to5: Days in Porn, où des personnes qui travaillent dans l’industrie du porno expliquent tout naturellement leur choix.”
Cette liberté, Amanda la doit aux générations de filles qui l’ont précédée. “J’adore les Go-Go’s, leur façon d’envoyer balader les gens. J’ai toujours aimé les filles super dures dans le rap des années 90, Missy Elliott, Lil’ Kim, Foxy Brown, Eve… Beaucoup de gens pensent que c’est facile pour une fille de devenir célèbre juste en parlant de sexe. Mais ne peut-on pas rapper sur d’autres sujets que ce qu’on a mangé au petit-déjeuner ?”
L’album aurait donc pu castagner, sans répit : la brunette a eu l’intelligence de ne pas s’enfermer, en laissant la chance aux chansons. “Je ne voulais pas faire un album pop et je ne sais pas comment cette dimension est apparue. Je n’ai jamais écrit de telles chansons consciemment, elles sont nées la deuxième année. Il y en a même que personne n’a entendues, des chansons que je pourrais vendre à Britney !”
En attendant qu’Amanda dépucelle le répertoire des gamines, elle blinde son discours pour le rendre étanche aux attaques des machos. “Je parle aux femmes et non aux hommes, car quelle que soit ma façon de rapper et ce que je raconte, ils ne me prendront jamais au sérieux. A l’inverse, eux peuvent dire ce qu’ils veulent sur la rue, ça ne me concerne pas, je m’en tape. Ce que je veux entendre, c’est ce que me racontent les filles.”
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