Leur electro libre et furieuse passionne Depeche Mode et bluffe l’Angleterre. Le duo bordelais Kap Bambino s’impose enfin, et en beauté, hors de l’underground.
Kap Bambino, sans rien savoir, comme ça, on dirait le nom d’un cocktail un peu sucré qu’on commanderait sur une plage de Hongrie, même s’il n’y a pas vraiment de plages en Hongrie. Ou alors une marque de vêtements italienne pour enfants (fabriqués en Chine, bien sûr). Ou, enfin, un groupe eighties de Sheffield qui jouerait du rock un peu prolo-prog avec des blazers (aux manches remontées) et ces fameuses guitares-synthés (celles en plastique blanc). En réalité, Kap Bambino est un duo de Bordeaux qui existe depuis 2003 et que forment Caroline Martial et Orion Bouvier, connus sur scène sous les noms respectifs de Khima France et GroupGris.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En France, on ne connaît pas beaucoup Kap Bambino parce qu’on n’est pas très curieux, mais le groupe possède sa petite réputation à l’étranger depuis plusieurs années (et vient d’ailleurs d’être salué en Angleterre par l’ogre Depeche Mode). On l’a récemment croisé à deux des festivals les plus défricheurs et prestigieux au monde, le South by Southwest d’Austin et The Great Escape de Brighton, où tous les programmateurs s’agglutinaient en disant la même chose au badaud français : “Je ne comprends pas que ce ne soit pas plus connu chez vous.” C’est rageant pour Kap Bambino, dont l’énergie est tout à fait fulgurante, et dont le troisième album, Blacklist, devrait réjouir tous ceux qui se sont déboîté une hanche ces derniers mois sur Klaxons, Crystal Castles ou encore Late Of The Pier. Cette énergie, qui transcende une sorte de rockab digital, Kap Bambino la tient d’un parcours tout à fait atypique : loin des circuits désormais classiques (“han j’t’envoie ma maquette” ; “han on fait croire que j’tai découvert sur MySpace” ; “han j’te signe” ; “han ben ouais tu vends plus de disques ça marche plus tu croyais quoi” ; “han ben on fait des concerts vazy”), le duo s’est fait découvrir dans son coin, à grands coups de do it yourself, comme disaient les punks.
“Depuis nos débuts, on a toujours fonctionné selon cette démarche un peu artisanale, c’est tout le charme du projet. On a toujours travaillé dans l’urgence, au début on faisait presser les disques en Tchéquie, et après on les envoyait à qui en voulait. On avait même créé un pseudo pour faire croire qu’on avait un manager du nom de Jean-Claude, mais en fait c’était moi qui répondait aux mails”, explique Khima France avec beaucoup d’humour. Depuis quelques mois, le groupe a signé chez une major (Because, terre d’accueil de Justice ou Manu Chao) et, après avoir fait des ravages dans l’underground, le voilà désormais prêt à s’offrir à de plus larges oreilles. Et Blacklist, impressionnant troisième essai, est le disque idéal pour procéder sans concession à ce que certains appellent aujourd’hui “l’ouverture”.
Bien entendu, la musique va en désarçonner plus d’un, car il est difficile, au milieu de la furie mise en place par le duo, de déceler les influences fondatrices de Kap Bambino, fatalement disparates. “Dans le désordre : Stereolab, les disques de chez Warp, Bastärd, Dat Politics, Felix Kubin, Daniel Johnston, Sebadoh, My Bloody Valentine, Eric Satie, les basics hiphop ou encore Petula Clark”, explique Khima France, sous le regard approbateur d’Orion. On retrouvera pourtant des éléments communs chez tous les groupes précités : l’envie de débouler sur un terrain vierge de tout format, de s’exprimer de manière sauvage et enfantine.
Qu’il s’agisse de morceaux ultra-excités comme Red Sign ou Blacklist, de la presque comptine 2.0 Rezozero ou du court mais bondissant Plague, les morceaux de Kap Bambino semblent tous être joués pour la première fois, dans un mélange d’envie, de pureté et de naïveté qui fait de Khima France et de GroupGris deux êtres libres à la tête de leurs drôles de machines. “On est des Gitans nerd, peut-être que s’il n’y a plus d’électricité on sera dans la merde mais je suis sûr qu’on pourra faire du Kap Bambino avec une flûte de pan, ou autre chose. Notre objectif, c’est de foutre la merde. En ce sens, on rejoint un peu Mr Oizo.” Une comparaison qui pourra surprendre jusqu’à l’intéressé, mais qui donne pourtant tout son sens à la “bonne sauvagerie” dont sait faire preuve Blacklist, que l’on peut d’ores et déjà retenir parmi les disques de rigueur pour que l’été soit chaud… Bambino bambino.
{"type":"Banniere-Basse"}