Pour souffler les bougies d’une bonne dizaine d’années de Black Sessions, il fallait bien une tempête, que s’est chargé de faire souffler Louise Attaque dans le vénérable studio 104 de la Maison de la Radio.
Pas le moindre gâteau présenté en ce soir prestigieux à Lenoir par la direction de l’antenne ? même le champagne, offert aux groupes après le concert, était financé par une maison de disques. Toutes les radios de France se battraient pourtant pour l’événement qui, ce soir, transforme les coulisses d’ordinaire sages de ce studio consacré à la musique classique en piste de sprint, avec trac obligatoire d’avant course.
Dans un impressionnant alignement de valises de contrebasses abandonnées par l’orchestre symphonique en villégiature ici, quelques-uns des plus brillants rénovateurs du rock d’ici attendent avec anxiété leur entrée sur le terrain : des Mano Negra en force, Françoiz Breut en cow-girl super chouette, Yann Tiersen zen, 16 Horsepower en prêcheurs patraques, Cornu avec plus de migraines que de cornes sur le crâne Car pour avoir été le premier DJ à diffuser, en France, la musique de Louise Attaque, alors pas même disponible dans le commerce, Lenoir est récompensé par le groupe, venu en famille remercier l’authentique pionnier de leur triomphe ? laissant les réseaux FM revendiquer minablement la paternité de ce succès sans précédent dans l’histoire du rock français, eux qui n’ont finalement commencé à diffuser le groupe que sous la pression d’un auditoire qui avait déjà massivement acheté le premier album.
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Mais ce soir, l’heure est à la fête, pas aux règlements de compte : généreux, Louise Attaque renvoie l’ascenseur à tous ceux venus illuminer la belle noirceur de Comme on a dit, son second album.
Pour cette carte blanche à Louise Attaque, chacun va et vient ? Yann Tiersen, au violon ou à la guitare, s’incruste : bonheur ?, mais ce n’est pas le Band Aid : la complicité est palpable, l’amitié évidente, la communauté d’esprit étonnante. Car du folk ivre de Cornu à la country déglinguée de 16 Horsepower, ce qui unit tous ces groupes ? plus encore que l’omniprésence cocasse des violons ?, c’est ce lyrisme grand vent, ce refus absolu du musically correct, cette façon de débrancher les inhibitions pour laisser les tripes, plus que le cerveau, piloter ces chansons zigzagantes. C’est particulièrement évident et spectaculaire sur une reprise en flamme de l’immortel Sidi H’Bibi, de La Mano Negra, littéralement propulsée par la guitare originale du sanguin Daniel Jamet.
Là, deux générations de rock d’ici se réconcilient en direct ? celles des galeux, des pas comme y faut . C’est magique, absolument pas présentable à un mannequin de mode, très loin des Bains et du goût officiel. C’est du rock, c’est têtu, en voie de disparition, sale et débraillé. Debout, hébétée par cet orage électrique, la salle met de longues minutes à se remettre de ce frisson. La terrible Ballade de basse, appelée à conclure le banquet, laissera tout le monde hagard : après deux attaques aussi cinglantes et furieuses, plus personne n’aura le c’ur à chanter Happy birthday to you. Ce soir, la meilleur défonce, c’était l’Attaque.
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