Black Rebel Motorcycle Club revient, avec l’air sombre et un vacarme toujours aussi lascif. Mais la bécane tourne un peu en rond : critique et écoute intégrale.
Bien que moins cité que les White Stripes ou les Strokes dans la catégorie “repreneurs de flambeaux”, BRMC fut un groupe assez crucial, sur lequel la génération dressant l’oreille aux débuts des années 2000 a pu doublement compter. D’abord, la plupart des morceaux de leur premier album étaient si bons qu’ils avaient une portée quasi initiatique, avec leurs entrelacs de fuzz-guitars zeppelino-stoogiennes. Ensuite, ces mêmes titres offraient une perspective bien dégagée sur l’ensemble du flanc bruitiste de la montagne, celui par où avaient déboulé les Stooges justement, puis, en trombe, The Cramps, The Jesus & Mary Chain, My Bloody Valentine…
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En somme, un groupe dispensant du plaisir et des cours de rattrapage en histoire de la musique. Quitte à le faire parfois sur le mode rembruni et vindicatif, comme avec Whatever Happened to My Rock’ n’Roll, superbe chanson mais pas loin du manifeste intégriste. D’intégrisme, il allait d’ailleurs être question avec leur second disque, Howl. A peine avait-on quitté ce gang californien au look sombre, à la morgue romantique, attisant les braises de la musique du diable, qu’on le retrouvait à genoux, en quête de salut, louant le nom de Jésus-Christ (Gospel Song) sur des ballades enrobées d’arpèges cristallins brodés à la guitare acoustique.
C’est au carrefour de ces deux chemins, où diable et bon Dieu jouent à cache-cache et se disputent les âmes sur un air de blues, que les Motorcycle Club nous ont donné rendez-vous pour ce cinquième album, au titre inspiré d’une nouvelle du plus gothique des écrivains américains, Edgar Poe. Une batteuse, Leah Shapiro, a remplacé l’impérial Nick Jago. Mais leurs morceaux [attachment id=298]progressent toujours en spirales, épousent cette forme hélicoïdale que dessinent, jusqu’au vertige, ou jusqu’à l’ennui, les riffs de Peter Hayes et Robert Been.
Ici, la lascivité blasée du chant de Hayes constitue encore un élément important du charme de ce groupe. Et parfois ça décolle, comme sur les premiers morceaux, notamment le méchant Conscience Killer et le dantesque Bad Blood. Et parfois ça s’enlise, comme sur Shadow’s Keeper ou Half-State, dont la longueur trahit leur difficulté actuelle à trouver la sortie aux longs corridors qu’ils se construisent. D’où l’impression de routine qui se dégage d’Aya, de River Styx, de Mama Taught Me Better.
Il y a bien pour nous rafraîchir de ce trip un brin soporifique cette country lennonienne (Long Way down), ce folk springsteenien (The Toll), cette ballade gospel (Sweet Feeling), mais tout ça n’est pas immensément mémorable, pas bien imaginatif. Bref, au club des rebelles à moto, ça tourne un peu en rond.
Album : Beat the Devil’s Tattoo (Abstract Dragon/Vagrant/Cooperative/Pias)
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