Black on both sides

Depuis Universal magnetic, maxi d’anthologie, on a suivi fébrilement Mos Def à la trace, d’abord sur son très beau projet Black Star (avec Talib Kweli), puis lors de ses visites d’amitié – chez Common, A Tribe Called Quest, High & Mighty et les Roots – jusqu’à son premier album solo dont il est question ici, l’un des plus grands albums de 1999. Disque que l’on apprécia d’emblée pour sa diversité, sa sincérité, son engagement, sa chaleur, et qu’on adule aujourd’hui pour son infinie générosité, ses infinies subtilités, son courage, son humour et sa grâce. A l’égard de sa communauté, Mos Def fait à la fois preuve de compassion et d’une rage indignée, celle d’un père dont on aurait molesté la progéniture. Sentiments qui le disputent donc à parts égales dans ce disque, mais toujours sans emphase, qu’il s’agisse d’apaiser en insufflant un peu de sagesse (sublimes et inspirés Love et Umi) ou de dénoncer l’internationale du racisme (Mr Nigga) et la société pousse-au-crime (Mathematics). En digne héritier des Native Tongues (De La Soul, A Tribe Called Quest), Mos Def a une conscience aiguë de sa mission, même si son propos est nettement plus offensif, voire provocateur. Mais au-delà des mots, portés par ce timbre à part, ce phrasé sensuel, louvoyant entre rap, chant, scat et ragga, c’est à la musique qu’on s’attachera en priorité, à ces mélodies gorgées de soul auxquelles Mos Def a souvent apporté sa patte : aux percussions, à la basse, au vibraphone ou à la production, comme sur le superbe instrumental May-December qui conclut magiquement ce disque. La promesse d’un Graal absolu pour son second album attendu cette année, après sa consécration en tant qu’acteur dans le prochain Spike Lee.

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