Le retour démoniaque et bien entouré d’un pionnier
de la French Touch, qui vient jouer avec ses héritiers
sous le nom de Black Devil Disco Club. Critique et écoute.
« Tout ce qui se fait à l’ancienne me fait chier, à part les ris de veau”, rigole Bernard Fèvre, 65 ans, vétéran alerte de l’electro française pas le moins du monde en repos sur ses lauriers. S’il ressort ces jours-ci sa panoplie fétiche de Black Devil Disco Club, inaugurée en 1978, ce n’est pas pour faire bégayer ses bécanes infernales mais au contraire pour prolonger l’esprit aventureux, la lettre résolument moderne de sa musique en compagnie d’acteurs d’aujourd’hui.
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Sur Circus, il accueille ainsi pour un grand sabbat futuriste des invités aussi hétéroclites que Jon Spencer, Faris Badwan (The Horrors), Nicolas Ker (Poni Hoax), CocknBullKid ou encore Claire Evans (Yacht), Nancy Fortune ou Aja Emma des Canadiens de Cosmetics. Deux légendes se mêlent également à ce casting : Nancy Sinatra et Afrika Bambaataa, pas moins. Bernard Fèvre est lui-même une légende, tardivement révélée par les Chemical Brothers – qui ont samplé un de ses morceaux – et par Aphex Twin, qui fut le premier à ressortir de l’enfer il y a sept ans l’album inaugural du Black Devil Disco Club sur son label Rephlex.
En 1978, personne n’avait vu passer cet ovni, l’electro frenchy se limitant alors à Jarre et le disco à Cerrone. “Le synthé était mal vu à l’époque, personne n’y comprenait rien. Moi, j’étais surtout intéressé par le disco noir américain et par certains trucs allemands très en avance. Avec ce disque, je voulais faire connaître ma manière d’écrire avec un synthé à travers une musique facile d’accès. Ce fut un ratage complet, on me fit comprendre que mon disque était une grosse merde.” Avant ça, le gamin d’Asnières a vécu le (baby) boom du rock français comme organiste au sein d’un groupe baptisé Les Francs Garçons, qu’il définit comme “un croisement entre les Moody Blues et Les Compagnons De La Chanson”.
Au mitan des années 70, après avoir refusé les offres de service d’Eddy Barclay, il s’oriente vers la Library Music et ose un disque cosmique et rêveur baptisé The Strange World of Bernard Fèvre (Air avec vingt ans d’avance, pour résumer). Depuis 2004 et la relance inespérée de son Disco Club, on l’invite partout comme l’omniscient visionnaire de la French Touch tandis que cette notoriété tardive lui offre la possibilité d’explorer un peu avant les zones sauvages défrichées il y a trente ans.
Soit un disco métronomique et anxiogène, proche en permanence du chaos métallique et secoué par des spasmes tribaux encore plus impressionnants depuis qu’il a laissé des voix étrangères s’y poser comme autant de papillons noirs sur une armée de néons chauffés à vif. Pour en revenir au ris de veau : “Je suis traditionnel pour les choses de la vie courante mais pour l’exploration artistique, c’est différent. Cette opposition correspond à ce que je suis aujourd’hui : un vieux parmi les jeunes qui fait une musique de jeune. J’aurais quand même préféré que ça arrive un peu plus tôt.”
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