Vendredi 8 septembre, alors que s’ouvrait la Coupe du Monde de rugby, Björk nous invitait dans un autre monde à l’Accor Arena, féerique et en alerte face à la crise climatique.
L’Accor Arena est assis. Les gradins, certes, mais la fosse aussi. Björk a décidé de transformer le stade mastodonte en un écrin théâtral. Elle vient nous présenter Cornucopia, le show 3D signé avec la réalisatrice argentine Lucrecia Martel et la scénographe Chiara Stephenson, mis sur pause avec le confinement, réaménagé avec la sortie de son dernier album en septembre 2022, Fossora.
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Pour que l’écrin théâtral advienne, un message enjoint à ne pas filmer ni photographier le concert. Par respect pour la collectivité, mais aussi pour Björk qui n’a pas l’air de goûter les lives où une marée de téléphones brandis haut empêche d’apprécier l’instant. La mesure est prise très au sérieux, des agents de sécurité passant régulièrement dans les rangs, en fosse, pour aveugler de leur torche les rebelles qui auraient bravé l’interdiction digitale.
Sarabande féerique
À voir la scénographie travaillée nous démange l’envie de sortir le nôtre. Réflexe de l’ère digitale dans laquelle nous sommes empêtré·es. Une valse de rideaux sur lesquels sont projetées des vidéos découvre et recouvre Björk et ses musicien·nes, dont un groupe de flûtistes islandaises, Viibra, qui entame le concert dans une sarabande féerique. Nous voici plongé·es dans un monde onirique, mi-organique mi-digital, où les lutins auraient des jambes bioniques. Björk, elle, se meut difficilement dans une robe signée Jisoo Baik qui empêche sa liberté de mouvements. Voulu, certainement. Un anthurium au pistil rappelant à certain·es une verge, à d’autres une épée, lui sort du torse (signé Loewe). Un masque-bijou de James Merry mange la moitié supérieure de son visage. Sa voix n’a pas bougé, avec ses aigus criés, ses roucoulades technoïdes, qui recouvrent les mots comme les rideaux la masquent, ici et là.
Les vidéos nous montrent son visage mutant en orchidée, en un étrange animal, ou bien nous entraînent dans une tanière de branchages, terrier mystérieux au bout duquel rien ne nous attendra. Le naturel se transforme à l’ère digitale, façon de traduire notre monde, comme de dire que l’un n’est pas nécessairement ennemi de l’autre. Façon d’appeler à créer un monde nouveau.
Une rivière agitée
Björk n’est pas statique. Suivant le rythme des vidéos, elle évolue à différents endroits de la scène, jouant des rideaux et des voiles, jusqu’à, parfois, une sorte de cabane aux allures d’igloo qui reproduit la cabine d’un studio d’enregistrement, dans laquelle elle disparaît l’espace de quelques morceaux, nous laissant face à la magie facétieuse qui déborde des écrans comme de la scène. N’en déplaise aux fans, il n’y aura que peu de tubes. Tout juste reconnaît-on Venus as a boy, radicalement transformé en épure dans un duo avec une flûtiste, sa voix s’amusant à lui donner une autre allure, une autre vie. D’ailleurs, les morceaux ne sont plus tellement morceaux, mais plutôt une rivière agitée, avec cascades et rapides qui emporte bien loin de la réalité. Le show déconstruit le concert classique où les morceaux s’enchaînent jusqu’à la montée explosive.
Un premier message alertant sur la crise climatique défile noir sur blanc sur un grand rideau recouvrant la scène, avant, quelques minutes plus tard, que ne soit diffusée une vidéo de Greta Thunberg, nous adressant un message d’urgence que l’on pourrait résumer en ces mots : “si vous aimez vos enfants, alors bougez-vous maintenant”.
Elle fera un court rappel dans une robe blanche à plumes d’Iris Van Herpen pour nous inviter à danser sur Notget. Mais difficile de se lâcher sur un show si maîtrisé, sur ses morceaux dont la réinvention a laissé de côté tout beat techno. Pas bien grave, l’univers dans lequel Björk est parvenue à nous plonger est puissamment galvanisant.
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