Les quatre drôles d’oiseaux de Birdy Nam Nam, jeune collectif français passé maître dans l’art du turntablism, sortent leur premier DVD live, enregistré pendant deux chaudes soirées parisiennes à La Cigale en juin dernier. Où l’on remarque qu’on peut former un groupe avec une armada de platines. A découvrir avec le titre Stéphane en vidéo.
Sur la bio du site Internet des jeunes Birdy Nam Nam, en exergue, cette phrase de DJ Babu recueillie en 1996, pour dissiper les confusions : « un turntablist est une personne qui utilise les platines non pour jouer de la musique, mais qui isole et manipule les sons pour créer de la musique ». A en croire l’illustre Babu, gourou des Birdy, dans le turntablism, ce qui compte, c’est moins le vinyle comme instrument que les sons que les platines, comme outil, récupèrent, recyclent, détournent de leur usage, démembrent, scratchent, assouplissent, accélèrent Ce que fait aujourd’hui Birdy Nam Nam tient donc du retour à l’approche des DJ New-Yorkais du début des années 70 qui utilisaient les vinyles comme banque de sons et inventaient des techniques pour en enchaîner de brefs passages.
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Après le règne du scratch ? technique envisagée comme une composante chez Birdy, et non comme un geste forcément musical et absolument nécessaire ?, des MC dans les années 80, des grands producteurs du gangsta rap dans les années 90 et enfin des samplers qui facilitent le copier-coller sonore, DJ Shadow avait finalement ramené les platines sur le devant de la scène hip hop expérimentale, virtuose et sans frontière. C’est dans la ligne de Shadow qu’on peut inscrire Birdy Nam Nam, ce groupe français qui offre une alternance aux guitares anglaises et à leur main mise sur la musique pop d’aujourd’hui.
Sur le passionnant DVD Live in Paris de Birdy, les turntablists DJ Pone, DJ Need, Little Mike et Crazy B se présentent en fonction du rôle joué sur chaque morceau : « c’est Michaël à la basse, et c’est Denis à l’accordéon ». En réalité, chaque DJ simule un instrumentiste dans une approche mi-virtuelle, mi- organique où le son de l’instrument s’invente selon le geste de la main sur le vinyle ou sur les potards à manipuler sur la platine. L’illusion fonctionne à plein. Sur Abbesses, titre phare du concert, le scratch régulier correspond au battement rythmique d’une guitare reggae. Les quatre platines sont en interaction, comme des musiciens de rock ou de jazz le sont. Birdy, collectif tentaculaire, brouille les pistes et la répartition des sons. On n’est pas là pour scratcher à qui mieux mieux en solo.
Le son de Birdy Nam Nam ressemble dans les grandes largeurs à une sorte de dub et de hip hop croisé avec de l’electronica. Ce croisement génétique donne une musique amovible et mutante capable de toucher tous les publics : des fans de l’electronica avenante des Boards of Canada et Plaid, aux punks à chiens près à secouer leurs dreads sur la drum & bass la plus furieuse, aux danseurs de break beat en passant par les aficionados de groupes hybrides comme Gotan Project et Massive Attack. On voit ainsi dans le public de la magnifique Cigale une bonne dose de teufeurs déglingos qui lèvent et baissent le bras en cadence pendant une heure et demie, un peu zombies sur les bords.
Ce qui différencie le concert des Birdy de la free party c’est l’intégration à plusieurs moments clefs du concert de quatre instrumentistes (une percu, un batteur, un clavier et une basse) qui permettent aux DJ de ne pas rester cantonner dans l’image d’un Kraftwerk – un peu hermétique – transposé aux platines. Quand les musiciens entrent en scène, le show devient plus visuel, très loin de la prestation décevante de DJ Shadow seul, ou accompagné d’un ou deux chanteurs, à Rock en Seine 2006. Seul reproche, quand les instrumentistes parviennent à s’imposer, on tombe parfois dans un jazz post-modern, dérivé de Truffaz et les platines retrouvent leur rôle habituel décoratif, comme chez Morcheeba ou Asian Dub Foundation. On préfère les morceaux comme Violon 1 et 2 où des parties instrumentales sont rejouées en temps réel par des platines buttées actionnées par les quatre DJ. Birdy Nam Nam rejoue et corrige des sons organiques et popularise le solo de platine qui contrarie les solos de violons, de basse, de guitare. On peut appeler ça la « platine-instrument » en désobéissant au précepte initial de DJ Babu.
C’est finalement cette façon de n’appartenir à rien ni à personne et d’user des codes d’une mosaïque de styles qui fixe l’attention sur les prestations scéniques millimétrées de Birdy Nam Nam. Un groupe qui hurle « faites du bruit pour vous ! » comme des rappeurs chauffeurs de salles et qui est aussi capable de partir dans une jam avec des requins de studio aux dérapages contrôlés n’est jamais caricatural.
Site officiel : www.birdynamnam.com
Avec l’aimable autorisation d’Uncivilized World
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