Que s’est-il passé dans la musique en 2010 ? Si certaines valeurs sûres n’ont pas perdu le Nord, la carte mondiale a continué d’être bouleversée par des continents à la dérive : de nouveaux espaces se créent, d’autres disparaissent. C’est le chaos, c’est formidable.
Car même s’il reste encore de la sève chez tous les Jack White, Libertines ou Strokes de la création, même s’il demeure des épines et fleurs sauvages à dénicher dans le folk, les années 2000 doivent arrêter – et tout de suite. Des groupes comme These New Puritans – étonnant album de l’année de nos collègues du NME –, !!!, Sleigh Bells, Holy Fuck ou Gonjasufi rappellent ainsi que si beaucoup a été écrit, composé et tenté, il reste des combinaisons mystérieuses et hasardeuses à explorer.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le hip-hop l’a très bien assimilé cette année, avec des albums signés Kanye West, Janelle Monáe ou N*E*R*D qui ont cherché largement au-delà de leur pré carré – vers l’électro, le folk ou le rock libre – de quoi nourrir des rimes et beats. Remercions en cela des dynamiteurs de chapelles et murs honteux, de Damon Albarn au vétéran Brian Eno, pour avoir prôné depuis si longtemps le désordre, la fugue, la confusion des genres – et de rester d’actualité, tout en la précédant. Profitant de cette tectoniques des plaques, de ces rapprochements hasardeux de terres autrefois séparées, on a ainsi vu un orchestre symphonique syrien jouer pour des rappeurs anglais, lors de concerts grouillants de vie et d’envies des Gorillaz.
Forcément, ou plutôt naturellement, cette globalisation de la musique touche les musiques dites “du monde”. L’appellation date du XXè siècle, et elle obsolète. Le monde a changé. Aujourd’hui, il n’y a plus “les musiques occidentales” d’un côté et les musiques d’ailleurs de l’autre. De plus en plus de labels étiquetés rock sortent d’excellents disques d’artistes africains, asiatiques, orientaux. Internet continue d’abolir les distances, la condescendance et l’hyperspécialisation folkloriste.
Exemples : Ry Cooder, qui pourrait être le vieux tonton américain de Damon Albarn, a orchestré une rencontre au sommet entre des musiciens irlandais dont on n’attendait plus grand-chose (les Chieftains) et des musiciens mexicains, le tout illustrant une authentique page d’histoire américaine. Apprendre l’histoire (et la géo) en musique : le rêve, que poursuit aussi Danyel Waro du haut de son volcan réunionnais. Sa musique “péi”, le maloya, ouvre les portes battantes de la créolité au hip-hop (le Sudaf’ Tumi) et à d’autres insulaires (les chanteurs corses d’A Filetta). Deux exemples parmi beaucoup d’autres disques (quasiment les dix premiers de notre top world/jazz…) qui pratiquent le libre échangisme musical, fondé sur le partage, la découverte et la surprise.
{"type":"Banniere-Basse"}