Que s’est-il passé dans la musique en 2010 ? Si certaines valeurs sûres n’ont pas perdu le Nord, la carte mondiale a continué d’être bouleversée par des continents à la dérive : de nouveaux espaces se créent, d’autres disparaissent. C’est le chaos, c’est formidable.
Mais dans une scène musicale où Internet a tout accéléré jusqu’au vertige, de la vitesse des ascensions à la brutalité de la chute et de l’oubli ad hoc, on est estomaqué de voir à quel point certains groupes nés de ces hypes ont résisté à l’épreuve du temps. Arcade Fire, MGMT, Foals ou LCD Soundystem : c’est par dizaines que notre Top 2010 accueille des artistes qui n’auraient pu être que feux de paille, mais qui construisent au contraire sur la longueur des carrières ambitieuses et courageuses. Vétérans dès leurs deuxièmes albums, monuments historiques à leur troisième, ces groupes nés du net n’avaient d’autre choix que d’évoluer à la vitesse foudroyante de cet accélérateur de particules : en quelques années à peine, MGMT ou Foals, pour ne citer que deux des plus passionnants albums de l’année, se sont ainsi totalement réinventés.
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Et que dire des glorieux Black Keys, dont le nom évoque de plus en plus la clé des champs : partis du fin fond du garage, là où les rats dévorent les torchons au cambouis, ils jouent aujourd’hui sous les néons, impeccablement débraillés dans une sorte de pop-music mal lunée, mal élevée mais bien éduquée. Ces bluesmen mutants jouent régulièrement avec quelques têtes chercheuses du hip-hop : c’est dire à quel point l’orthodoxie rase les murs de ce garage-là.
Ça sera d’ailleurs un des grands soulagements de 2011 : la fin officielle des années 2000 et de leur fascination morbide au pire, cocasse au mieux, excitante souvent, pour le vintage pur et dur. Vintage sixties, vintage seventies, vintage eighties en masse : comptons, en 2011, sur des forces de propositions aussi radicales et personnelles que les Mancuniens Wu Lyf ou les Américains Salem pour que s’enclenche à nouveau la marche avant. Voici enfin des groupes qui propulsent, à chaque écoute, vers l’inconnu, le danger : des groupes sans mouvement autour, sans scène pour les vendre aux gogos. Juste d’impressionnantes forces de progrès, qui soulageront ceux qui refusent la dictature du ventre mou, la fatalité de la stagnation. Le premier single de Salem s’appelait Yes I Smoke Crack. Wu Lyf est le sigle de World Unite/Lucifer Youth Foundation. Il était temps que le rock, cette salope frivole partie crâner sur les plateaux de télé-réalité et dans les défilés de mode, revienne un peu se frotter au chaos, au souffre – en empruntant son nouvel argot à des idiomes jusqu’ici tenus éloignés les uns des autres, du hip-hop au post-rock.
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