En solo, en famille ou avec les Scud Mountain Boys, Joe Pernice ne fréquente que la plus sublime pop américaine de l’époque. La routine, à en croire le dictionnaire, serait “un ensemble d’habitudes et de préjugés, considérés comme faisant obstacle à la création et au progrès”. Une chose est sûre : Joe Pernice n’entre pas […]
En solo, en famille ou avec les Scud Mountain Boys, Joe Pernice ne fréquente que la plus sublime pop américaine de l’époque.
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La routine, à en croire le dictionnaire, serait « un ensemble d’habitudes et de préjugés, considérés comme faisant obstacle à la création et au progrès ». Une chose est sûre : Joe Pernice n’entre pas dans la logique implacable du dictionnaire. Sa routine à lui, faite de chefs-d’œuvre semés au petit bonheur de groupes paravents (Scud Mountain Boys, Pernice Brothers) et/ou de pseudonymes abracadabrants (Chappaquiddick Skyline), constitue une sublimation continue de l’ordinaire, par laquelle ce songwriter au profil étrangement flou transcenderait des certitudes gravées dans le plus précieux des marbres.
En témoigne ce nouvel album (le premier sous son propre nom, encore que ce ne soit spécifié nulle part sur la pochette), qui commence exactement comme finissait le dernier, et comme se poursuivra sans nul doute le prochain. Toujours, c’est le même tempo au souffle court, le même joli carillon de guitares, les mêmes intonations frêles et plaintives, les mêmes mots cruels (« Quand elle était à moi, je n’en pouvais plus d’attendre d’être seul »), comme si l’autre n’était jamais qu’une source de haine et de remords. D’où vient alors qu’à chaque fois, les disques de Joe Pernice touchent droit au cœur, annihilant toute velléité de critiques, qui fondent comme neige au soleil en même temps que l’auditeur, partagé entre sourire béat et larme à l’œil ? D’où vient qu’ici l’anecdotique a valeur d’indispensable ? Car elles sont anecdotiques, ces chansons coincées dans les années 60, calquées les unes sur les autres, calquant elles-mêmes les Byrds, Gene Clark, Big Star ou Tom Rush. Et tellement indispensables, pour ce qu’elles charrient de fraîcheur et de sincérité, refusant obstinément de voir dans leur antique facture un motif d’incompatibilité avec le temps présent. De fait, tout le prix de cette œuvre arrêtée, pathétique et sublime, réside là, dans cette volonté farouche d’être, purement et simplement, sans la béquille des effets de mode, sans la moindre concession ou compromission. Certains estimeront la démarche, au choix, postmoderne, intégriste ou ridicule. On préfère voir, dans cette fausse (?) candeur, l’expression d’un talent très singulier, où l’aisance mélodique le dispute à la rigueur de la méthode, où le foisonnement musical contredit à chaque instant l’étroitesse de la marge de man’uvre. Et se dire que la routine, ça a aussi, parfois, du bon.
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