En mélangeant sans calcul modernisme et traditions orientales, Nitin Sawhney envoûte. Une surprise voluptueuse. Il est des albums, monnaie trop peu courante pour n’être pas ardemment convoitée par l’amateur transi, dont on n’attendait rien en particulier et qui alpaguent par surprise, fichant une flèche cupidonesque très précisément là où ça fait du bien d’avoir mal. […]
En mélangeant sans calcul modernisme et traditions orientales, Nitin Sawhney envoûte. Une surprise voluptueuse.
Il est des albums, monnaie trop peu courante pour n’être pas ardemment convoitée par l’amateur transi, dont on n’attendait rien en particulier et qui alpaguent par surprise, fichant une flèche cupidonesque très précisément là où ça fait du bien d’avoir mal. Assurément, les suivantes ne peuvent qu’amplifier le ravissement certain provoqué par la première écoute : Beyond skin, le troisième album de Nitin Sawhney, ancien membre des négligeables Fairport Convention, est de ces disques-là, de ceux que l’on chérit d’autant plus qu’on ne les a pas entendus venir. Et si l’on ne peut pas dire que les certitudes nous étouffent, il est au moins une chose dont on est à peu près sûr, c’est qu’un album de ce lustre ne repartira pas de notre discothèque aussi aisément qu’il s’y est faufilé. A un niveau d’appréciation subsidiaire, Beyond skin synthétise les expériences de Cornershop, Asian Dub Foundation ou autres Talvin Singh et confirme, dans un fort goûteux mélange de sensualité et d’authenticité rien à voir, ou à entendre, avec les vils imposteurs d’une world-music bedonnante et putassière , à quel point les musiciens anglais contemporains en quête autant d’identité que de souffles nouveaux sont souvent bien inspirés et récompensés de leurs efforts en se tournant vers l’Orient aux mille et une promesses. C’est donc sans une once d’hésitation que l’on portera au crédit de Nitin Sawhney le fait, selon nous indubitable, qu’il possède un nuancier d’expressions plus vaste et plus raffiné que celui des trois autres propagateurs de l’Asian Sound mentionnés ci-avant. L’élégance des compositions, ajoutée à une interprétation pétrie de sensibilité on distinguera en priorité un toucher pianistique dont la frémissante délicatesse évoque Ahmad Jamal, notamment sur le splendide instrumental Tides et ne versant jamais dans l’ornière repoussante de la virtuosité ostentatoire, autorise largement Beyond skin à surplomber le tout-venant des (trop) nombreuses sorties du moment. D’un ensemble chatoyant et harmonieux, dans lequel Nitin Sawhney et ses acolytes touchent à tout (ou presque) avec un bonheur égal (ou presque), on exceptera tout de même le torpide Letting go qui flirte dangereusement avec le conformisme vasouilleux d’un trip-hop pas glop du tout. Ce fâcheux incident de parcours d’un valeureux combattant ne saurait amoindrir vraiment l’aura vibratoire de Beyond skin, à l’éclat de laquelle ne participent pas peu l’ensorcelant Nadia peut-être la plus belle chanson drum’n’bass enregistrée à ce jour , le très accrocheur Homelands ou encore le luxuriant Nostalgia qui risque de causer pas mal de mouron à Björk, si d’aventure elle y jette une ou deux de ses oreilles expertes. Bien qu’il paraisse patent que la musique de Nitin Sawhney, comme toutes les musiques vivantes, ne prenne toute son ampleur qu’une fois mise à l’épreuve révélatrice de la scène, tel quel l’album concocté en studio n’en demeure pas moins pourvu d’une grande force cinétique. A même d’en faire, cet automne, l’une des plus ravageuses sources sonores de flagrant délice.
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