Beware, le nouvel album de Bonnie Prince Billy, prolonge l’œuvre sereine et magistrale de l’artiste, et rend le port de la barbe presque obligatoire
[attachment id=298]On ne dira jamais assez le bonheur de recevoir un nouveau disque de Bonnie Prince Billy. Même s’ils s’accumulent depuis son dernier coup de génie, The Letting Go en 2006, les albums qu’envoie régulièrement Will Oldham sont autant d’occasions de faire un pas de côté. On les écoute loin du monde, avec cette certitude de ne plus appartenir à grand-chose. On pourrait, après s’être passé et repassé un disque Bonnie Prince Billy, sortir de chez soi heureux et léger en plein hiver, avec un simple maillot de peau et un vieux short brillant que l’on met pour les entraînement de football, pour s’acheter un journal ou je ne sais quoi à manger sous le regard étonné des gens. On pourrait se laisser pousser comme lui une très longue barbe en attendant que je ne sais quoi n’arrive – sans même avoir la certitude que ça arrive vraiment un jour (comme l’a si bien compris Joaquin Phoenix).
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Le dernier album n’échappe pas à la règle. Appelé Beware, il ne restera peut-être pas comme le plus emblématique de l’œuvre de l’homme, mais il possède sans aucun doute toutes les qualités qui la composent. On y retrouve cette envie de traverser les plaines, de partir un matin sans rien dire à personne, pour prendre le temps de se poser les questions qu’on ne se pose plus, de voir des amis qu’on n’a plus vu depuis des lustres. Oldham, rencontré en début d’année à Paris, où il promenait sa pilosité magistrale, le reconnaît bien volontiers. “Ce disque n’est peut-être pas mon meilleur disque, mais il veut dire beaucoup pour moi. Il est la preuve que je suis arrivé à trouver une constance dans l’écriture, une sérénité. J’y ai beaucoup travaillé et je suis tellement heureux du résultat que je ne me demande presque plus ce que les autres vont en penser. Ça veut peut-être dire que je ne cherche plus à briller, mais peut-être simplement à faire ce que je sais faire le mieux : des disques de Bonnie Prince Billy. Je suis devenu un bon artisan, et c’est une vocation qui me convient à merveille.” Et cette simple “vocation” fait peut-être aujourd’hui d’Oldham le songwriter le plus puissant de sa génération, juste devant Justin Vernon de Bon Iver, et très loin devant Sufjan Stevens.
Dans l’ensemble, Beware, malgré ses angles countrysant, est un disque plutôt sombre. On le comprend rien qu’à la lecture des titres des chansons : Beware Your Only Friend (Fais attention à ton seul ami mec), You Don’t Love Me Now (Tu m’aimes plus c’est ça hein), I Don’t Belong to Anyone (Séverine m’a dit que tout était fini entre nous), Without Work You Have Nothing (Séverine c’est pas grave de toute façon j’avais trop de taf en ce moment), ou encore There Is Something I Have to Say (Séverine j’ai quand même envie de te dire que bon t’aurais pu faire attention à moi tsé) pourraient bien nous faire croire que le vieux Will s’est fait méchamment larguer dans les mois qui ont précédé l’écriture de son album.
Quand on lui pose la question, le barbu fait une tête et nous offre une réponse ferme : “Je n’expliquerai jamais plus comment ou pourquoi a été écrit une chanson. Je ne veux plus donner les clés de mon travail à qui que ce soit, je veux qu’on y pénètre vierge, qu’on se l’approprie. Je n’ai même plus tellement envie de parler de mes disques. Je suis sérieux, j’ai surtout envie d’en faire, beaucoup.” Et on ne s’en plaindra pas, tellement Beware offre déjà la certitude d’avoir envie de suivre les prochaines aventures sereines de Bonnie Prince Billy.
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