Silencieux depuis sept ans, Silvain Vanot revient à la chanson dans un album qui colle comme jamais à ses envies de simplicité et de légèreté.
« Un jour chanter/Comme si on savait/Un jour déchanter/Ça on sait” : tirés de Bois flottant, l’une des nouvelles chansons de Silvain Vanot, ces mots pourraient résumer le parcours du Français depuis l’album Il fait soleil (2002), son dernier signal discographique. Mais il faut leur ôter toute tonalité chagrine et prendre le verbe “déchanter” au pied de la lettre : pendant sept ans, la voix de Vanot s’est tue. Un choix radical qu’il a lui-même initié, pour s’extraire d’un jeu musical qu’il estimait de plus en plus “faussé” et pour se projeter vers d’autres horizons. “J’ai été l’un des rares à donner ma démission, précise-t-il, et j’ai vite reçu une lettre de ma maison de disques me disant qu’elle était entérinée et qu’on me souhaitait bonne chance pour la suite de ma carrière…”
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Marquée par sa rencontre avec Mareva Galanter ou par l’écriture d’une bio sur Bob Dylan, la suite, moins exposée mais pas moins animée, l’a aussi vu s’illustrer dans le domaine de la musique de film. Un exercice qui, comme il l’a écrit un jour, lui a appris “à se débarrasser du désir de tout contrôler, à se défaire de cette curieuse manie que l’on a de courir tous les jours le marathon autour de son nombril”. Ce refus de toute pression et ce souverain détachement s’entendent dès l’entame de Bethesda et la mélodie féline de O mon tour, qu’habillent les feulements d’une pedal-steel. Silvain Vanot y est plus proche que jamais de lui-même, de cette écriture exigeante et noble qui caractérisait déjà ses cinq premiers albums. Mais il a rendossé son habit de chanteur avec une légèreté nouvelle : en témoigne la texture aérienne de sa voix, planant désormais sans entraves dans la sphère des aigus. “Jusqu’ici, j’avais toujours une espèce de méfiance vis-à-vis de ça, j’y allais mollo. Là, j’ai complètement lâché la bride en me disant : de toute façon, c’est ton registre, plus ça sera toi, plus ça sera intéressant.”
Cette volonté de ne pas se voiler la face, d’assumer les singularités de son identité d’homme et de musicien, Silvain Vanot l’a appliquée à toutes les étapes d’un projet touché par la grâce. Il s’est trouvé des équipiers qui ne pouvaient qu’exalter ce qu’il a de meilleur en lui : le bassiste et claviériste John Greaves, haut représentant depuis plus de trente ans du songwriting le plus libre ; le clarinettiste Renaud Gabriel Pion, déjà repéré derrière Tanger, Elvis Costello ou Titi Robin ; et le batteur Iain Templeton, pilier rythmique du groupe Shack. Avec eux, il a ensuite posé ses bagages dans un studio du pays de Galles, s’imprégnant de l’énergie irradiée par les terres alentour. “Il y avait les montagnes avec la neige derrière, en cinq minutes de bagnole on se retrouvait au milieu des lacs, dans le désert total. La force tellurique de cette terre, je crois qu’on en a profité.”
De ce contexte idéal, comme de l’atmosphère de camaraderie qui a enrobé l’enregistrement, les chansons de Bethesda, entremêlant senteurs boisées et fragrances électriques, parfums d’Amérique et brises caribéennes, ont tiré leur douce mais franche intensité. Laquelle se propage jusque dans des textes à la poésie elliptique, traversés par des images où s’impriment les traces du vent, de la mer, des rivières, des animaux ou des fleurs – une élégante façon de parler du monde comme des hommes qui l’habitent et l’observent. C’est aussi dans cette qualité d’expression et de regard que s’exprime ce Vanot nouveau, comme revenu à l’état de nature – une nature pleine et épanouie, ouverte à toutes les libertés que donne le métier de chanter.
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