Privé de radio, l’ancien gourou de France Inter Bernard Lenoir continue de faire des playlists. Il revisite son patrimoine sur un double CD, qu’il faut vite présenter à votre iPod. Paroles de reclus.
Soudain, après un long moment loin de tout ça, en solitaire, je sors cette compilation et j’ai l’impression d’être Lady Gaga ! Je déteste me montrer. Mais le plus traumatisant, c’est de revenir faire une émission spéciale sur France Inter, dans le même studio, avec le même ingénieur, à 22 heures. Même si je ne fais plus de radio, je continue ce que j’ai toujours fait : passeur. Hier encore, j’ai passé une clé USB avec une trentaine d’albums à un copain. La radio, au quotidien, ne me manque pas : il y avait un sentiment de répétition, de routine. C’est le partage des chansons qui me manque. Je pourrais faire un blog mais techniquement je ne maîtrise rien… Je vais sans doute faire des sélections sur Deezer, ça serait impeccable.
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Quand on m’a proposé de sortir cette compilation, en une heure, sur un bout de papier, j’avais déjà dressé une liste de quatrevingts titres, juste de mémoire. Je ne voulais pas une compilation comme tant d’autres, je voulais des titres un peu différents d’artistes que j’aime… Je l’ai donc conçue comme une vraie émission. J’ai toujours été sensible au son d’une émission, ça remonte à mon enfance en Algérie, quand j’écoutais Station of the Stars, la radio destinée aux G.I. d’Allemagne. On m’a toujours dit que mes émissions avaient un son distinctif. Sans doute parce que personne ne passait cette musique en France !
Pour ce projet, j’ai donc cherché les morceaux emblématiques du son Lenoir, des trucs comme James, pas forcément importants, mais qui me représentent… Après, il a fallu obtenir les droits de toutes les chansons et là, il y a des absences cruelles, notamment ma chanson préférée de tous les temps : la reprise de Song to the Siren par This Mortal Coil… On n’a pas pu avoir Pulp, Gérard Manset ou le titre demandé des Smiths par exemple… Mais je n’aurais pas pu faire cette compile sans Joy Division, un de ces groupes qui jouaient devant cinquante personnes quand on a diffusé leur concert en direct des Bains-Douches (en 1979 – ndlr) ! C’est devenu un concert mythique, mais il n’y avait aucun engouement autour sur le moment…
Pour moi, en tant qu’homme de radio, il y a eu deux âges d’or : la fin des années 70 avec des groupes comme Joy Division ou The Cure, puis la fin des années 80, avec le début des Inrocks, Madchester, le grunge, la britpop naissante… Je me suis rendu compte après coup que beaucoup des artistes que j’ai choisis viennent de la période 88/92. C’est un truc très perso : ça correspond à mon retour à la radio, d’abord à Europe 1 puis à Inter, alors que je pensais que j’étais fini, oublié. Ça a été un pic. Après 92, j’y croyais moins, je suis même étonné d’avoir tenu jusqu’en 2011. La preuve : je n’ai choisi qu’un titre des années 2000.
D’où vient l’expression “Caresses et bises à l’oeil” de mes fins d’émission ? D’Algérie. Après une enfance très solitaire, j’ai eu mes premiers copains vers 14 ans, une petite bande très soudée. Le copain de la soeur d’un de ces types, plus âgé, nous sortait ça à chaque fois qu’il nous quittait. C’est devenu notre formule.
recueilli par JD Beauvallet
Rencontre le 22 mars à Paris (Fnac Montparnasse, 18 h)
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