Dans l’ombre du Berghain, il suffit de fouiller un peu pour trouver des soirées bizarres ou marginales portées par des propositions musicales originales. Nos conseils pour trouver votre bonheur à Berlin en 2016, à l’abri du tourisme nocturne.
– Dévier de l’autoroute techno
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Si le mythique club Berghain pâti de son succès, ce n’est pas tant au niveau de son esprit, toujours libertaire, que de sa programmation musicale. Obligés de répondre aux attentes précises de leur public, les DJs se voient contraints de ne pas dévier de l’autoroute techno et du « son berlinois » défini par des chefs de file comme Ben Klock et Marcel Dettman qui ont fait bien des petits. Trop grosse, trop lourde, la vénérable institution peine à renouveler son offre. Aujourd’hui à Berlin, force est de constater que ce sont surtout des événements irréguliers qui font bouger les lignes de la musique de club. On vous conseillera donc les soirées UnReaL et N≠E, dédiées au noise et la dance music déstructurée, aux sonorités post-indus et post-goth. Mais aussi les rendez-vous Janus et Creamcake, qui mettent en avant toute la mouvance electro et hip-hop un peu queer, un peu trippée, un peu dépressive et hyper-moderne : Lōtic, Mykki Blanco, 18+, Arca, Lil B, Trust, Kingdom…
– Welcome OHM
A l’apogée de sa gloire dans les années 1990, le Trésor est aujourd’hui devenu un spot touristique plus conventionnel. Conscient de cet état de fait, l’équipe du lieu a ouvert un nouveau club dédié aux musiques électroniques moins commerciales : le OHM. Hébergé dans le générateur électrique de la monumentale ancienne usine de l’ex-RDA qui héberge aussi le Trésor et le festival Atonal (on y reviendra), il s’agit d’une toute petite pièce, carrée, aux murs recouverts de carrelage, qui se transforme l’été en véritable sauna. Petit, intimiste, sans fioriture : ici, le centre de la soirée, c’est la musique. Ça tombe bien, elle est toujours excellente (récemment, on peut citer : Atom TM, le crew de Sex Tags Mania, Luke Eargoggle) et servie par un son de très bonne facture. Le public se compose à 50% de geeks et à 50% de fêtards curieux. Choisissez votre camp.
– Neukölln fait du bruit
Quartier populaire en voie de gentrification et épicentre des troquets cools lorsqu’il s’agit de boire des pintes pas chères, Neukölln est à peu près l’équivalent de Belleville à Berlin. Sa vitalité nouvelle a fait émerger des initiatives réjouissantes. Conscient du potentiel du district, Michael Aniser, journaliste pour les respectables Electronic Beats et Berlin Community Radio, a monté Noisekölln, une série de chouilles conviviales hébergées dans divers bars du coin avec des musiciens pointus tels que Fatima Al Qadiri ou Black Zone Myth Chant.
En longeant jusqu’au bout la célèbre Sonnenallee, vous tomberez sur le Griessmühle. En alliant un programme inégal mais souvent intéressant (au nouvel an, on y entendait Legowelt) et un espace impressionnant (quatre grandes salles et un jardin au bord de l’eau), il y a fort à parier que ce jeune club devienne grand. Autre bon point : la politique d’entrée y est assez ouverte (en d’autres termes : peu de chances de se faire recaler). Mention spéciale aussi au bar de nuit Sameheads, où l’ambiance est libérée et la sélection musicale solide.
– Concerts déviants
Pour ceux qui seraient rangés des afters jusqu’à pas d’heure et des grosses basses qui tabassent, c’est par ici que ça se passe. Pour se rendre dans la salle de concert NK Projekt, il faut déjà la trouver. Au programme de cette petite pièce (dissimulée au 3ème étage d’un immeuble situé au fond d’une cours de Neukölln) : expérimentations noise et techno aux confins de l’abstraction. Et si ce n’est pas suffisant pour vous, une autre antre accueillant des concerts déviants se trouve du côté du centre multiculturel Acud Macht Neu, situé dans le quartier huppé (et plutôt mort la nuit) de Mitte. C’est à ces deux lieux discrets que l’on doit deux des concerts les plus marquants de 2015 : Ramleh dans le premier, Felix Kubin dans le second.
– La crème de la nuit queer et gay
Le grand raout bimensuel Gegen redonne au terme « queer » tout son sens : on y croise gays et hétéros, freaks et personnes ordinaires, désireux d’explorer leur sexualité ou simplement de danser sans autre but précis. Organisée par trois queer activists issus de la scène underground de Rome, il s’agit de la nuit la plus soft et branchée du KitKat, mythique club libertin de la capitale. La programmation n’est dévoilée que le jour même, comme c’est le cas pour l’Homopatik, la meilleure soirée gay de Berlin. On vous prévient : cette dernière peut s’étaler jusqu’à trois jours durant. Et avec un peu de chance, vous tomberez peut-être sur l’un des excellents sets surprise de DJ Ties, qui aime à ménager des ruptures abruptes entre techno martiale et disco chamarrée.
– Festivals expérimentaux
En plein cœur du caniculaire mois d’août berlinois, deux festivals proposent une alternative aux fans d’électronique sombre qui ne sont pas du genre à aller se trémousser sur de la house et de la disco en open-air. Dans le cadre d’une immense centrale électrique désaffectée se tient l’Atonal, sorte de grande messe où se réunissent les techno-goths du monde entier pour esquiver le soleil au son de concerts qui couvrent tout le spectre des musiques dites industrielles. Expérimental, qualitatif (ces dernières années, on a pu y voir officier Cabaret Voltaire et Peder Mannerfelt), l’événement accueille des milliers de visiteurs par édition. Dans une ambiance plus confidentielle, le Krake, organisé par le label Killekill, est l’outsider des festivals dark et se déroule entre divers club de Warschauer Straße (l’an dernier, s’y sont produit entre autres Eomac, Ekman et Hypnobeat).
Si vous préférez Berlin en version glacée, la période hivernale héberge quant à elle la plus intello et institutionnelle des trois grandes kermesses expérimentales de la ville. Le CTM se propose de documenter les dernières évolutions de la dance music aventureuse et de la culture club à travers un cycle de concerts, de soirées, mais aussi de publications, de conférences et d’expos. Cette année, ça se passe du 29 janvier au 7 février et la programmation a été sélectionnée en collaboration avec Rabih Beani, digger de world music, de free jazz et de rock choucroute chevronné. On y sera, vous aussi ?
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