Avec son nouvel album et le premier produit par Kenny Beats, le chanteur néerlandais passe en première division de la pop internationale.
Voix de Bee Gees, sens de la mélodie fondante, goût pour le groove et le hip-hop en particulier… ça fait déjà deux décennies que Benny Sings montre combien il est un brillant songwriter moderne, aussi à l’aise devant le clavier d’un piano que celui d’un ordi pour bâtir un beat.
Comme il a l’inspiration éclectique, se glissant avec la même facilité dans le costume du crooner en chambre que dans celui de l’entertainer soul funky, l’artiste néerlandais, héritier de Beck, échappe aux genres comme une anguille. Une certitude, cependant : il est là pour donner du plaisir et de la douceur avec des chansons qui, même quand elles sont empreintes de nostalgie, mettent du baume au cœur.
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Plus que jamais cette démarche apparaît évidente avec Young Hearts, sa tentative la plus probante d’entrer dans le panthéon de la pop et de rivaliser, par exemple, avec les Anglais de Metronomy. Ses albums précédents étaient déjà attachants mais plus bricolés manquaient de la concision et de la clarté de ce huitième LP.
Nouvelle association
Non, la voix de Benny n’a pas changé, mais celui qui se définissait jusqu’alors comme un beatmaker avant d’être un compositeur a laissé les clés de son studio à un producteur plus expérimenté que lui. Désireux de doter ses chansons d’un son plus gros et compact, et ainsi de changer de division, Benny a sollicité l’Américain Kenny Beats, maître des machines et des instruments capables de grands écarts impressionnants en tant que réalisateur, du punk d’Idles (Crawler) au rappeur Vince Staples, de la pop à la trap.
Il fallait peut-être que le chanteur originaire des Pays-Bas se décharge en partie du travail de production pour changer de division. Lui qui a accompagné l’Anglais Rex Orange Country sur son album de 2022, Who Cares?, voit à son tour les bénéfices d’une telle association. Le duo qu’il forme avec Kenny Beats fonctionne très bien le temps de ces dix nouveaux morceaux. Simple Love Songs, la pétillante The Only One ou Let’s Go, avec leurs arrangements épurés mais punchy, le confirment.
On repeat
Si la présence de Kenny Beats assure une solide ossature rythmique et une instrumentation efficace, le zébulon néerlandais ne bande pas non plus les muscles. Au contraire, il se montre aussi fragile qu’avant sur Moviestar ou Love Will Find A Way, presque aussi délicat que du Daniel Johnston. Distance débute sur une intro au piano littéralement pleine de souffle, manifestement enregistrée en mode lo-fi avant que le morceau ne prenne sa forme définitive de pop accrocheuse.
L’autre raison pour laquelle Young Hearts se montre irrésistible tient en la présence de la chanteuse Remi Wolf dont la voix, dès la chanson éponyme, apporte un délicieux contrepoint à Benny Sings. Leur duo devient même addictif sur la bossa-nova entêtante de Pyjamas ou sur The World.
En cette période chaotique et tourmentée, cet album ultra cool et apaisant – voir l’hymne à la lenteur Take Your Time – s’impose comme la bande-son relaxante, nécessaire après avoir défilé ou vitupéré contre l’aveuglement du pouvoir et les violences policières. Seul désagrément : Young Hearts ne dure même pas une demi-heure. On se dit que ça justifie l’invention du mode repeat.
Young Hearts (Stones Throw/PIAS). Sortie le 24 mars.
Concert le 29 mars à Paris (Trianon).
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