Collaborateur historique de Benjamin Biolay depuis Rose Kennedy (2001), Thierry Planelle évoque au tournant décisif de La Superbe (2009) la fidélité et le travail d’un faux dilettante.
“Trash ! 2007, c’est l’année trash. Benjamin Biolay sort son quatrième album Trash Yéyé, avec sa chic pochette photographiée par Bruce Weber et son hit Dans la Merco Benz. Ce sera son dernier pour Virgin, le label désormais propriété d’EMI ne renouvelle pas son contrat et lui montre la porte. C’est aussi le dernier album que je produis pour la major : crise du disque, plan social et surtout incompatibilité d’humeur artistique, je suis viré. Ultime élégance et délicate provocation, Benjamin me dédie cet album. Touché.
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Arrive le temps de La Superbe et sa belle aventure. Sans me prévenir, Benjamin m’a discrètement imposé à sa nouvelle maison de disques Naïve et je me retrouve embarqué dans son nouveau contrat d’artiste. Tandem. On repart ensemble et retour aux studios ICP de Bruxelles pour un exil de plusieurs mois. Il a des tonnes de nouvelles chansons en chantier, plus toutes celles qui seront composées pendant l’enregistrement.
“En studio à temps complet, il peut repasser cent fois sur chaque chanson”
Faux dilettante (“dilettante à temps partiel”, comme il le chante dans Lyon presqu’île), ce qui le définit le mieux, c’est le travail. Son talent impressionne et j’aime l’auteur autant que le compositeur, mais ce n’est jamais facile, ni donné. Jamais acquis. Comme chantaient les Rita Mitsouko, “l’amour, c’est du taf et ça se travaille’’ !
En studio à temps complet, il peut repasser cent fois sur chaque chanson, tellement exigeant avec lui-même, traquant le moindre détail de sa production, changeant un mot dans un texte, réenregistrant une suite d’accords ou l’instrument qui manquait…
Pendant qu’on mixe un titre, il est au piano de l’autre côté de la vitre avec l’idée d’un nouveau morceau : on entend les notes de Ton héritage pour la première fois. La nuit est souvent blanche et tous les cendriers débordent : il est en train d’écrire les arrangements de cordes de La Superbe pour la séance du lendemain matin, où il débarque avec ses feuilles de partitions aussi froissées que sa tête. Quand l’orchestre joue, c’est juste sublime. A ce moment-là, tu sais que ce titre de six minutes va tout changer.
Ce Biolay privé est aussi un grand fidèle. Je connais ses amis, ses musiciens, je connais ses proches et ses absents qu’il chérit et n’oubliera jamais ; je connais ses familles. Nous formons un curieux collectif (ils se reconnaîtront), un social club un peu latino, qui débat de musique, de la prochaine tournée ou du dernier tournage, beaucoup de sport, toujours de politique.
“Notre amitié m’est indispensable”
J’accompagne donc Benjamin Biolay depuis Rose Kennedy, son premier album, ça va bientôt faire vingt ans. J’écoute à la suite Les Cerfs-volants et les treize nouvelles chansons de Grand Prix aujourd’hui et je me dis que cette longue relation artistique – mais on l’aura compris, pas seulement – est plutôt rare. Notre amitié m’est indispensable.”
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