Meilleurs ambassadeurs de la pop-music, les Ecossais de Belle And Sebastian sont aussi prolifiques sur disque qu’avares d’eux-mêmes, cultivant naïvement le secret qui les entoure. Alors qu’ils s’apprêtent à jouer pour la première fois en France et que sort leur troisième album, The Boy with the arab strap, ils nous ont ouvert les portes de leur univers : l’église de la banlieue de Glasgow où leurs chansons ont vu la lumière.
Déjà, s’estimer heureux : nous avons eu plus de chance que la plupart de nos collègues. Jusqu’à présent, la presse s’était arrêtée ici, dans les jardins sages de ce quartier cossu de Glasgow. Les plus tenaces avaient été les Suédois du magazine Pop, suffisamment obstinés pour faire le guet dans les jardins de cette Hyndland Parish Church. Ils en étaient revenus sans interview de Belle And Sebastian, comme beaucoup, mais avec une photo de la porte qui sépare le groupe du monde des hommes : celle de cette église où s’invente depuis trois ou quatre ans déjà la pop-music la plus excitante et sensible de la terre.
Ensuite, s’estimer très heureux : cette porte s’est ouverte. D’ailleurs, elle n’était même pas fermée à clé. Dangereux, ça : dès qu’on pénètre dans le vestibule du mythe, on sait qu’il y a là un secret de fabrication à jalouser, à maintenir loin, très loin de la vulgarité à laquelle est réduite désormais la pop pour alpaguer le gogo. On n’est pas arrivé depuis trente secondes que, déjà, des mois de tractations et de rendez-vous manqués avec le groupe sont pardonnés : de l’escalier dégringole du cristal, la voix tendre d’Isobel et une mélodie immaculée pas l’une de ces vieilles radasses sur lesquelles tout le monde est passé depuis les Beatles ou les Byrds. On n’a pas idée de laisser la porte ouverte quand on possède un tel trésor dans son église.
Enfin, s’estimer particulièrement heureux : nous avons rencontré, dans son élément naturel, Belle And Sebastian au grand complet. Et non pas un ou deux musiciens du collectif envoyés au casse-pipe par résignation, comme on délègue un attaché parlementaire pour calmer la populace. Tout Belle And Sebastian, réuni pour la première fois autour d’une table, huit membres au droit de parole démocratiquement distribué. Car pour nous, Belle And Sebastian a fait une exception à son devoir d’absence. « Exception », comme dans « tribunal d’exception » : c’est l’impression que l’on ressent quand on se retrouve face au groupe, soudé comme un seul homme face à l’intrus ce journaliste voleur d’intimité, ce cambrioleur de temps que le groupe préférerait, à l’évidence, consacrer à autre chose.
A l’époque de l’intouchable et second album du groupe, If you’re feeling sinister, ce journal avait écrit, après une rencontre ordinairement catastrophique avec Belle And Sebastian dans la nuit de Glasgow, quelque chose comme « Bienvenue au pays des emmerdeurs ». On avait alors pris leur réticence à parler, leur incapacité à jouer les règles de l’interview pour de la coquetterie, voire pour un astucieux plan marketing : « Belle And Sebastian, le groupe invisible ». Et c’est vrai que, malgré lui, le groupe avait trouvé un sacré gimmick, refusant d’être photographié, n’acceptant les interviews qu’au compte-gouttes, n’envoyant le plus souvent que son batteur ou son trompettiste tenter d’expliquer des chansons qu’ils n’avaient de toute façon pas écrites.
Car Stuart Murdoch, qui a créé de ses mains cette troupe étonnante, n’était là pour personne. On aurait pourtant aimé savoir comment ce type d’une trentaine d’années, mais à la trombine éternellement adolescente, avait réussi à vaincre en partie sa timidité. Comment ce reclus forcené, enfermé depuis des années avec les disques de Felt comme seule compagnie, avait pu jouer à ce point contre son camp et se mettre à communiquer, à distribuer des petites annonces pour trouver les musiciens qui donneraient enfin à ses chansons la compagnie qu’elles méritaient.
Stuart, qui parle le langage des carpes avec une facilité déconcertante, ne dévoilera rien de plus cette fois-ci, même lorsque les questions lui seront directement posées, haussant les épaules en signe d’impuissance. Il suivra pourtant les yeux brillants d’excitation un débat dont il s’est lui-même exclu. En permanence, on sent la malice dans son regard : impression de voir un autiste enfin sorti de l’auberge endosser, pour un jour, ses vieilles et tuantes habitudes, un acteur se replongeant dans un vieux rôle. Un rescapé, un survivant du silence qui y retourne occasionnellement en vieil ami, par habitude, par fidélité.
S’il ne dit rien, on sent que Stuart Murdoch n’en pense pas moins, crevant souvent d’envie de sauter à pieds joints dans la conversation, mais s’autocondamnant au mutisme : c’est la sanction qu’il s’est infligée pour avoir écrit toutes ces chansons, pour être le leader historique et flagrant du groupe histoire de ne pas résumer Belle And Sebastian à son seul cerveau. Voilà, on imagine son idée du partage : laisser quelques miettes aux autres membres de ce groupe, évidemment vital pour lui et ses chansons, afin que subsiste une illusion de démocratie. D’ailleurs, quand on demande au groupe s’il fonctionne en démocratie, les rires gênés, les yeux baissés et les vannes repousse-questions (« Si on faisait un vote pour décider si on est une démocratie ? ») en disent long sur le partage effectif des grandes décisions (la musique) et des broutilles d’affaires courantes (les interviews, notamment). Pas étonnant que ça grogne parfois : on entendit ainsi le clavier Chris Geddes voler gentiment dans les plumes de son capitaine, lui demandant de prendre ses responsabilités de songwriter : « Pour un songwriter, expliquer une chanson peut la gâcher. Cela dit, je ne suis pas très friand d’ambiguïté. L’attitude évasive que nous avons délibérément adoptée a conduit à quelques agaçantes déformations sur ce que nous sommes vraiment. »
Puisqu’on ne saura jamais de quelles frustrations sont nées ces chansons, on essaiera au moins de savoir comment est né ce groupe. On ne se lasse pas d’entendre la genèse de ce conglomérat improbable, comment le hasard a été le meilleur imprésario possible de cette aventure. Des jours de recrutement où Stuart Murdoch vainquit sa nature solitaire, décida de se prendre en main et descendit de sa chambrette pour affronter la ville, on connaît désormais quelques anecdotes cocasses : on parle d’un semi-autiste harcelant des inconnus dans les rues ou les cafés de nuit, les suppliant de venir aider ses chansons. Certains, alors parfaitement incompétents, resteront en sa compagnie comme en témoignent encore aujourd’hui les limites ahurissantes de ce groupe, porté par des chansons tellement souveraines qu’elles tolèrent joyeusement cette approximation, quand elles n’en jouent pas. Une belle incompétence, fidèle à l’esprit d’un punk-rock que Belle And Sebastian n’a appris que dans les livres d’histoire, loin de la maniaquerie javellisée d’une pop-music en voie de stérilisation.
On avait écrit « Bienvenue au pays des emmerdeurs » mais là, on dira plutôt « Bienvenue au pays des emmerdés ». Car dans cette pièce glaciale de l’église une salle de patronage avec, aux murs, des affiches pleines de bons sentiments et de numéros de CCP auxquels adresser ses dons où se tient cette interview entortillée, Belle And Sebastian est bien navré de n’avoir rien de mieux à offrir que ses chansons. Le groupe fait même des efforts considérables pour passer outre le ridicule qu’il ressent à s’exprimer ainsi avec des « je », à forcer un ego rachitique qui n’a visiblement jamais été cultivé. Les Ecossais avouent s’être fait piéger par un mythe encombrant, par une réputation de brise-burnes que contredit immédiatement la chaleur de l’accueil. « Cette idée selon laquelle on ne joue pas le jeu me dégoûte, c’est un mythe absurde, tonne le ténébreux guitariste Stevie Jackson. Nous ne sommes pas isolés sur une île déserte : nous avons une maison de disques, un attaché de presse, nous rencontrons des journalistes. Seulement, il est rare que la discussion nous intéresse. » Un ange passe, puis trouve un joli timbre de cristal : l’habituellement silencieuse Isobel Campbell demande la parole. « Nous avons mieux à faire. Ce n’est pas de la mauvaise volonté si nous voyons si peu de journalistes, mais un problème d’emploi du temps. Je connais des groupes qui passent leur vie à donner des interviews : leurs disques sont nuls. On préfère rester concentrés sur ce qui nous plaît le plus. » « Et puis, enchaîne le disert batteur Richard Colburn, nous tenons à conserver une vie privée, à ne pas exister que par le groupe. » Bien engagée, la conversation s’achèvera, comme souvent avec Belle And Sebastian quand le sérieux et le personnel viennent fureter sur la table d’interview, par un éclat de rire : « Tu n’as pas de vie privée, Richard. C’est pour ça que tu joues dans ce groupe. »
Chris Geddes, qui fait une apparition remarquée sur la pochette du nouvel album, reprend seul le débat. Lui qui joue également (comme parfois Stuart Murdoch) avec les fantasques et lunatiques V>Twin (meilleur espoir écossais, groupe glouton de musiques, de Pharoah Sanders à Can, des Beastie Boys à Marvin Gaye) refuse cette idée de séparation entre la scène et la ville. « La première chose que je fais en me réveillant, c’est de mettre un disque. Et ça continue toute la journée, je répète sept jours par semaine, la musique est la seule chose qui compte dans ma vie. Et quand mes chansons ne conviennent pas à Belle And Sebastian, je les joue avec d’autres groupes, comme V>Twin. Car, pour moi, le format chanson est parfois un carcan. »
Des enfants de choeur. Des putains d’enfants de choeur. Voilà où on en est, en 1998, assis sur une chaise d’église, dans la paroisse d’Hyndland : s’être fait virer d’un collège catholique (Saint-Grégoire) pour se retrouver, vingt ans après, à interviewer un enfant de choeur.
Stuart Murdoch fut enfant de choeur et voix d’ange dans l’église de sa paroisse. Aujourd’hui, il partage encore une chambre à l’église, dans cette Hyndland Parish Church où le père de Richard Colburn est gardien (les papas ont de drôles de métiers : celui du bassiste Stuart David est ivrogne professionnel). Le groupe y possède ses quartiers en payant son loyer à la sueur : rangement, aide aux patronages, jardinage ou organisation de concerts de soutien. Il y a beaucoup à apprendre d’une visite, même furtive, de la chambrette que partagent Stuart Murdoch et Richard Colburn au-dessus de la salle paroissiale d’Hyndland. Un dessin naïf des Pastels au mur, des peintures étonnantes chinées à New York, une affiche historique d’une soirée Postcard Records, un bordel réglementaire, un réveil Mickey Mouse, des biscuits sur la moquette : on se trouve à l’évidence dans une chambre d’ado.
Sauf que la semaine prochaine, Stuart Murdoch aura 30 ans. Et qu’il y a problème : on ne peut, ad vitam æternam, gratter les mêmes croûtes adolescentes, ces histoires d’amour contrariées, ces souvenirs cruels d’école. Car l’époque où Stuart Murdoch ne pouvait qu’envisager l’amour dans des textes jamais écrits depuis Morrissey est désormais le vestige d’une autre vie, celle d’avant la troublante Isobel Campbell, violoncelliste à la scène et fiancée à la ville. Ecrire le mal-vivre et le spleen pourrait alors devenir pour Stuart Murdoch, désormais au port après les tempêtes existentielles, un simple exercice de mémoire, un fonds de commerce. Quand on lui demande s’il éprouve plus de difficultés à composer aujourd’hui qu’il y a quelques années, si un songwriter peut être apaisé, la réponse se fait surtout technique : « C’est vrai que je ressentais plus le besoin d’écrire dans le passé qu’aujourd’hui. Ça fait des mois que je n’ai pas pu écrire une nouvelle chanson. Mais il y a une raison technique à ça : tant que le groupe était à l’université, on ne pouvait pas vraiment tourner. Tandis que là, il a fallu s’y mettre, nous avons passé pour la première fois des semaines entières ensemble, à répéter. Il nous a fallu réapprendre à jouer plein de vieilles chansons : nous en avons désormais quarante-cinq à notre disposition, dont la moitié sont prêtes à affronter la scène. Nous avons déjà trop de chansons, ça ne sert à rien de s’encombrer de nouvelles. » « Mais je me souviens, dans le passé, intervient Isobel, tu restais un petit moment aux toilettes et quand tu en sortais, tu me disais « Ça y est, j’ai écrit une chanson. » J’étais toute gênée. » « Merci, Isobel, c’était très pertinent. »
Impossible de savoir comment s’écrit réellement une chanson de Belle And Sebastian hors des toilettes, si Stuart Murdoch se contente de donner aux autres des illusions d’écriture ou si cette écriture, pourtant immédiatement identifiable, peut être une aventure collective. On apprendra juste, entre deux ricanements, que chacun propose des idées de chansons et que, sur le nouvel album, The Boy with the arab strap, l’écriture a connu le premier Yalta de l’histoire du groupe : Isobel Campbell, Stevie Jackson ou Stuart David ont ainsi eu, eux aussi, droit à ce chapitre important en interprétant leurs propres compositions. Quand on demande au groupe s’il a l’impression de passer en jugement en faisant écouter ses créations, Stuart Murdoch sort pour la première fois, doucement, de sa réserve : « Merci. Grâce à cette question, maintenant, plus personne n’osera se lancer en répétition. »
Un titre de chanson, sur le troisième album du groupe, pourrait à lui seul résumer la situation de Belle And Sebastian telle que jugée par le commerce de la musique : « It could have been a brilliant career » (« Ça aurait pu être une belle carrière »). Car si la presse et l’industrie parlent régulièrement de gâchis en évoquant Belle And Sebastian, il ne faut jamais oublier que le gâchis est uniquement commercial : magnifiquement prolifique, le groupe en est à son troisième album en trois ans, après avoir sorti l’une des plus remarquables brochettes de singles l’an passé un nouveau était prévu dès octobre, mais le groupe a oublié de l’enregistrer et un trois-titres inédit est déjà programmé pour le 1er janvier 1999.
S’il faut parler de gâchis, ce n’est certainement pas dans cette discographie intouchable qu’il faut chercher. Privilégier la musique à son service après-vente : voilà l’idée saugrenue de Belle And Sebastian, résolument seul dans une Grande-Bretagne abandonnée aux fanfarons, aux vendeurs à la criée. On l’avait oublié depuis les jours bénis de New Order : les règles huilées du jeu industriel sont là pour être transgressées. Et Belle And Sebastian, tricheur magnifique, agace fatalement l’ordre établi entre le commerce et la presse et risque de faire tache d’huile. Puisque l’industrie n’a pu séduire Belle And Sebastian, ses chansons risquent, avec ce troisième album important, de payer pour ses silences.
Pourtant, loin, très loin de la surenchère technologique qui finit par maquiller la pop de Blur ou Embrace comme une vieille maquerelle engoncée, par la rendre clinique et frigide, Belle And Sebastian reste fidèle, sur The Boy with the arab strap, à l’artisanat approximatif qui servit d’acte fondateur au groupe : l’enregistrement pour un budget dérisoire d’un premier album en série limitée, Tigermilk. Pas un sou mais une crue d’idées, qui soudera pour longtemps huit inconnus. Cette chanson, It could have been a brilliant career, a ainsi été enregistrée dans le local de répétition des Glaswegians, au premier étage de l’église : une dizaine de mètres carrés délabrés, à la moquette de retraités, où trônent des instruments Emmaüs, un piano tout droit sorti d’un saloon Lucky Luke, quelques peluches, un poster des Smiths, un autre du footballeur George Best. C’est pourtant là, dans ce quart-monde technologique, que la pop-music a choisi les siens, ses plus importants ambassadeurs depuis les Smiths : assez rageant pour les richards qui pointent à la même école avec leurs cartables neufs, leur frime et leurs plumes maigres.
Pas étonnant qu’en Grande-Bretagne une véritable armée de l’ombre se soit levée derrière le groupe, propulsant ces singles qui ignorent tout du marketing dans des charts peu habitués à de tels visiteurs : Belle And Sebastian comme seul défenseur d’une certaine idée de la pop-music, à la tête d’une croisade de bras et de coeurs cassés.
Si le Manchester des Stone Roses et de Happy Mondays, puis Oasis, avait été une réaction à la sensibilité des Smiths, alors voici la réaction à la réaction. « Quand nous avons enregistré le premier album Tigermilk comme projet de fin d’études, se souvient Stevie Jackson, il n’y avait aucun but, aucun plan à long terme. Parce que nous ne pensions même pas être un groupe : nous venions à peine de nous rencontrer, nous n’étions là que pour aider Stuart Murdoch à enregistrer ses chansons. Nous sommes devenus un groupe sans nous en rendre compte. » « J’avais ces chansons, se lance timidement Stuart Murdoch, et c’est le groupe qui les a fait devenir ce qu’elles sont. Tout seul, je n’aurais jamais imaginé ça. » « Nous n’avons jamais cherché à être différents, enchaîne Isobel. Nous nous contentons de faire avec les moyens du bord, ce n’est pas une pose. » « Mais nous plaçons la barre de plus en plus haut, rajoute Richard Colburn. Si bien que nous devenons de plus en plus pointilleux. Du coup, le nouvel album a été infernal à mixer. Mais nous voulons apprendre seuls, sans grand nom dans l’ombre pour nous mâcher le travail ou nous donner des ordres. Comme disait Miles Davis, ce sont tes limites qui définissent ton style. Je connais beaucoup de musiciens plus compétents que nous qui écrivent des chansons merdiques. Notre faiblesse est notre force. »
De l’éducation musicale de Belle And Sebastian, on avait toujours su qu’elle avait été placée dans les meilleurs collèges : un amour commun mais difficilement identifiable du Velvet Underground, plus des passions plus ou moins partagées pour les Smiths ou les aïeux locaux Pastels et Postcard Records d’Orange Juice aux Go-Betweens. Amusé, le groupe affirme n’avoir écouté des ancêtres plus clairement identifiables Nick Drake ou Love qu’après avoir vu leurs noms cités dans les chroniques de disques de Belle And Sebastian. « Il n’y a pas de politburo musical, prévient Stuart David. Chacun a amené ses goûts dans le groupe, sans qu’il y ait la moindre barrière à ne pas franchir. La mélodie est la seule obligation. »
Un tour dans la discothèque de Stuart Murdoch et son batteur Richard Colburn révèle des obsessions plus étonnantes. Du rock américain ébouriffé Wilco, Neil Young, Galaxie 500, The Band… mais aussi énormément de jazz, du Coltrane par montagnes, du Bud Powell. Un sujet visiblement délicat. « Interdiction de parler de jazz et de jurer au sein du groupe. Mais à part ça, il se passe quelque chose de magique quand nous sommes ensemble. Comment oserions-nous être cyniques ou blasés ? », demande Isobel, qui reconnaît que les engueulades sont monnaie courante dans ce groupe que l’on avait un peu trop tendance à voir comme une joyeuse troupe scout, voire une secte la preuve : il y a même une voiture Belle And Sebastian, une BX récalcitrante que se partagent les membres du groupe. « La musique est probablement le ciment entre nous, mais nous sommes toujours amis en dehors, continue Richard Colburn. Amants, même. Alors, fatalement, il y a désormais des plaisanteries que nous seuls pouvons comprendre. Mais nous ne recherchons pas cet esprit de gang, à exclure qui que ce soit. On ne se balade pas avec « We are Belle And Sebastian: fuck you » écrit sur nos T-shirts. »
A chaque fois qu’il sera utilisé, le mot « fuck » fera lever quelques-uns des seize sourcils écossais présents autour de la table. Doux, amènes et volontiers potaches, les huit membres de Belle And Sebastian n’oublient en effet jamais que nous sommes dans une église, qu’On nous observe se révélant souvent aussi joyeusement puérils que ces enfants qui, dans leurs chansons, se brisent le coeur sous le préau de l’école. Une enfance pour laquelle Stuart Murdoch avoue pourtant n’avoir aucune nostalgie, malgré son omniprésence dans ses chansons : « Il y a des souvenirs d’école, mais il y a aussi des histoires de magasins, des histoires de bus, tous ces endroits où tout le monde est allé un jour. J’écris ce que je connais. »
Malgré la religiosité des lieux, on aura pendant de longues minutes où passeront beaucoup d’anges et de messes basses dans un douloureux chemin de croix plein de pensées rigolotes et pas du tout chrétiennes. De sales et vicelardes idées de torture pour réussir enfin à faire parler Stuart Murdoch ; des envies de violence inouïe pour rendre en entretien ce groupe aussi passionnant et flamboyant qu’en disque ; un désir furieux de tatanner méchamment celui qui, à chaque fois, bottera l’interview dans la touche de la dérision ; de douteuses rêveries incluant Isobel Campbell. Hum, hum. Attention : Belle And Sebastian provoque de dangereuses hallucinations. Cet opium du peuple est fortement conseillé.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Belle And Sebastian, The Boy with the arab strap (Jeepster/Delabel).
{"type":"Banniere-Basse"}