D’emblée, on aborde l’objet avec la méfiance et le respect poli suscités par l’épreuve du double album : après tout, le précédent Wilco ne contenait même pas de quoi remplir un mini-album correct. Wilco est né en 94 des cendres d’Uncle Tupelo, un de ces groupes américains à combustion lente, carburant principalement au mélange deux-temps […]
D’emblée, on aborde l’objet avec la méfiance et le respect poli suscités par l’épreuve du double album : après tout, le précédent Wilco ne contenait même pas de quoi remplir un mini-album correct. Wilco est né en 94 des cendres d’Uncle Tupelo, un de ces groupes américains à combustion lente, carburant principalement au mélange deux-temps (country/punk). Crise de la sidérurgie oblige (aux Etats-Unis, les ferrailleurs d’hier se recasent volontiers dans les travaux des champs), Jay Farrar et Jeff Tweedy ont fini par délaisser l’abrasivité de leurs premières virées et s’en vont chacun leur chemin : le premier parti fonder Son Volt, le second enrôle le staff d’Uncle Tupelo et s’applique à (di)gérer au mieux l’héritage Gram Parsons, en tentant si possible de capitaliser dessus. Sur le précédent A.M, trop petit épargnant et pas assez flambeur, il n’en tirait qu’une trame de chansons peu inspirées et trop propres sur elles. La flambe, c’est pour Being there, après qu’un Tweedy parti à la pêche miraculeuse aux bonnes idées dans sa discothèque a refait surface les filets chargés aussi bien de perles miraculeusement préservées (Byrds, Buffalo Springfield) que de carcasses salement amochées par la rouille (Rolling Stones, Faces). Plutôt que de tenter un tri, le groupe décide d’en tirer un double album riche et malin. Et d’exhiber ses plus belles pièces tel un capitaine Haddock qui aurait retrouvé le trésor de ses ancêtres. « Sur cet album, je voulais que nos influences soient évidentes. » Le parcours initiatique commence à Memphis par la visite du mausolée Big Star, éternelle grande ourse de la constellation power-pop (I got you et Say you miss me), fait une boucle autour des Etats-Unis puis se pose à Saint Louis, ville d’origine du groupe. Les moments les plus faibles du disque (Monday et ses lampées de cuivres) sont ceux où l’on entend le rhythm’n’blues revenir de son exil sur Main Street, tel un boomerang qui aurait mis vingt-cinq ans à traverser l’Atlantique. Beaucoup d’autres instruments ont ici des visages familiers : le piano désaccordé du Neil Young d’After the goldrush, un violon dissonant échappé du Velvet (Misunderstood ou Sunken treasure, où Tweey proclame comme Lou Reed avoir eu sa vie sauvée par le rock’n’roll). Le souffle toujours long, Wilco trouve ses respirations du côté de Lennon (Red-eyed and blue et ses sifflements ad hoc) ou vers la Californie des Beach Boys (Outta mind). On ressort de ce périple ragaillardi et pressé d’y retourner.
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