Rencontre avec deux groupes révélations du dernier festival des Inrocks Philips, venu de Londres pour le premier et de New York pour le second, et attendus au tournant l’année prochaine avec la sortie de leur premier album respectif.
De la nouvelle scène new-yorkaise à celle de Londres, nous sommes allés à la rencontre de deux groupes qui étaient à l’affiche du Festival les Inrocks Philips cette année, et qui figurent parmi les belles promesses de 2016.
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The Big Moon, garage londonien disciple de Fat White Family et des Palma Violets
En moins d’un an, The Big Moon est devenu l’un des girls band non-signé les plus excitants de la scène londonienne. Et malgré l’ampleur prise par le quatuor, ces Anglaises un brin slacker sont bien les dernières à se prendre elles-mêmes au sérieux.
Mais le fait est que la nouvelle scène rock est si foisonnante à Londres, qu’il semblait presque impossible pour la chanteuse et guitariste Juliette Jackson de ne pas être emportée par la vague : “Êtes-vous déjà allé à un concert de Fat White Family ?, nous demande t-elle. Je défie quiconque de ne pas vouloir créer son propre groupe après les avoir vu sur scène.” Si nos souvenirs du dernier passage des Anglais à Paris, le 13 novembre dernier, a été quelque peu brouillé par celui des attentats, Juliette en tout cas, s’est prise au jeu et a lancé son propre band.
https://www.youtube.com/watch?v=JCMGIiUJgAE
Un groupe formé au pub
C’est en effet après avoir vécu cette expérience – à laquelle elle ajoute un concert tout aussi inspirant des Palma Violets – que Juliette a commencé à écrire des chansons et son idée de former un groupe est presque devenue une obsession. Au détour d’un pub la jeune Anglaise rencontre ses trois comparses, assises à la même table : Sophie (guitare), Celia (basse) et enfin Fern, qui remplit le double rôle improbable de batteuse et claviériste (presque) en même temps.
« C’est assez magique qu’on se retrouve toutes les quatre à ne rien faire et que nous soyons prêtes à nous lancer dans la musique exactement au même moment », soutient Juliette. « Depuis, on ne se quitte plus, on s’adore, renchérit Celia. On a eu une sorte de révélation sur ce qu’était notre job à toutes les quatre : faire de la musique, réaliser des vidéos stupides, rencontrer des gens géniaux, jouer nos chansons comme des sourdes. »
Le CMJ de New York
La meneuse de la formation avait déjà un lot de démos écrites, le départ du projet s’est donc fait à 100 à l’heure. The Big Moon sort ainsi de l’ombre il y a quelques mois grâce à deux premiers titres Sucker et Eureka Moment, petits tubes power-pop immédiats qui les ont propulsées cet automne au prestigieux CMJ de New York.
De nombreux concerts plus tard, le meilleur est encore à venir, avec notamment, une tournée en première partie des Maccabees, outre-Manche, que The Big Moon a encore du mal à réaliser. « J’en ai parlé à ma mère en lui disant ‘Maman, c’est vraiment un truc de dingue, tu as déjà entendu parler d’eux ?’, raconte Celia. Et elle m’a répondu ‘oui je les connais’, du coup cela m’a mis dans un état : ‘tu te rends compte on va jouer avec eux, à la Brixton Academy !’” À côté d’elle, Juliette ne peut qu’acquiescer : “C’est fou quand on y pense, parce que si même ta mère les connaît, c’est qu’ils ne sont vraiment pas n’importe qui.”
En novembre, les Anglaises étaient venues se produire pour la première fois à Paris, à la Boule Noire :
« Pour le moment, on n’a rien signé »
Dans la pure tradition DIY, les quatre Anglaises produisent elles-mêmes leurs titres, et sont sur le point d’achever leur premier album sans avoir signé sur un label. L’entêtant single The Road et son side-b Nothing Without You sont ainsi sortis dans la petite maison de disque locale Handsome Dad (Beach Baby) mais pour un premier LP « full lenght » le challenge est tout autre.
“Pour le moment on n’a rien signé, explique Celia. Mais en fait, c’est plus excitant qu’autre chose. Cependant, si on en arrive à un point où ce n’est pas assez bien, et qu’on se sent incapable de mieux produire par nous-mêmes, on serait évidemment ouverte à d’autres, à des producteurs.”
« La Lune c’est beau et les culs aussi”
Lorsqu’on demande si le nom « The Big Moon » a été choisi pour ses références lunaires et poétiques, le groupe nous rappelle que, comme en français, « Lune » a également son double sens dans la langue de Shakespeare, une ambiguité qui a évidemment séduit les Anglaises : “Chez nous aussi ‘moon’ évoque un cul, ricane Celia. Qu’importe le langage, cela se ressemble tellement finalement ! Je pense que les deux définitions marchent pour notre groupe en tout cas, parce que la Lune c’est beau et les culs aussi.”
Dans le répertoire du quatuor, au delà des classiques londoniens, les quatre Britanniques se montrent assez éclectiques : The Vaccines, The White Strypes, Arctic Monkeys, Elvis. “Mais sur scène on ne reprend que Madonna, nuance Sophie. C’est la seule à qui on accorde une place dans nos sets parce que que Juliette a eu un coup de foudre pour une de ses chansons (Beautiful Stranger ndlr).” Dans la setlist également, figurait des titres qui annoncent un premier album réjouissant.
Beau, deux new-yorkaises au goût prononcé pour l’americana
Autre pays, autre ville, et autre scène : dans Beau il n’y a que deux femmes, Heather et Emma, qui sont en quelques sorte deux soeurs de lait. Leurs mères sont les meilleurs amies du monde, et elles sont bien parties pour les suivre. Leur projet a ainsi quelque chose de plus familial que The Big Moon, c’est une histoire de groupe qui s’écrit sur la durée. Elle se connaissent ainsi depuis toutes petites, et même si elles estiment que beaucoup de choses les distinguent et les opposent, elles se complètent à la perfection :
“Nous avons commencé à écrire de la musique à 13 ans, explique Heather. Nous sommes comme des soeurs : nous avons pris des cours toutes les deux, nous avons eu des coups de coeurs musicaux ensemble, fait des découvertes, sommes devenues obsédées par des artistes ensemble. »
Beau est au départ un projet d’écriture et de composition plus que de chant et d’interprétation. Elles écrivent des chansons sous forme de poèmes, comme un journal intime de leur vie d’ado, intense, éprise d’émotions en continue. “Nous écrivions tout ce que nous jouons depuis le départ, nos tous premiers morceaux étaient des instrumentaux, avant de commencer à écrire des textes et à chanter, raconte Emma. Nous n’avons jamais été très douées pour les reprises. »
Sur les compils de Kitsuné
Leur talent est en effet plus dans l’écriture de folk songs mélodieuses, aussi catchy que des tubes pop. Emma à la guitare, Heather au chant avec sa voix bluesy et piquante, Beau égrène ainsi les perles sur un premier EP éponyme obsédant : One Wing, C’mon Please, Karma, etc. Et c’est d’autant plus étonnant de les retrouver sur les compilations de Kitsuné, leur maison de disques, qui nous a beaucoup habitués à des productions électro-pop et new-wave.
Le tandem n’imaginait par se consacrer à son projet musical à plein temps jusqu’à une première venue à Paris plus que décisive : elles y signent leur premier deal avec le label parisien, et créent ainsi un lien indélébile avec la ville. “Paris est notre seconde maison, c’est là que nous avons joué nos premiers concerts européens. » Elles avaient ainsi deux concerts prévus dans la capitale à la fin de l’année mais qui ont été annulés suite au 13 novembre. Ce qui décale donc leur prochaine venue à la tournée qui suivra la sortie de leur premier album.
L’amour de l’art
Issues de familles new-Yorkaises baignées dans l’art, leurs deux mères leur ont transmis la passion de la peinture. Et ce n’est pas tout : les deux musiciennes ont déjà eu le loisir d’approcher le monde de la mode, Kitsuné étant également un “fashion label”. Heather a ainsi été modèle en même temps que chanteuse. Et les projets ne s’arrêtent pas là : arts visuels, courts-métrages, shooting, projets créatifs divers, le duo a déjà de nombreuses couleurs sur sa palette.
“Nous aurions pu prendre le chemin de la peinture, c’était même d’ailleurs très bien parti, souligne Heather. Puis finalement nous sommes devenus les premiers vrais musiciens de la famille. C’est ma grand-mère qui m’a appris à jouer au piano, lorsqu’elle m’a appris mon premier morceau, j’ai eu l’impression de m’ouvrir à un tout nouveau monde.”
https://www.youtube.com/watch?v=Xl4l9IT-zgc
Emma pouvait compter de son côté sur l’influence d’un père musicophile : “Il avait un jukebox quand j’étais petite, et j’ai grandi avec en écoutant Elvis et du rock’n’roll.” En découle un premier album séduisant aux influences autant americana que pop, qui pour beaucoup rappellerait la Côte Ouest, et une autre New-Yorkaise qui s’est exilée à Los Angeles : Lana Del Rey. Bien loin du rock garage londonien de The Big Moon, finalement.
Lana Del Rey
Une comparaison élogieuse avec la nouvelle diva pop dans laquelle Beau ne se reconnait cependant pas tant que cela : “Je pense que notre album sonne plus comme New York, c’est plus dans notre esprit et cela se sent quand on joue sur scène« , considère Emma. On attend de pouvoir voir cela avec nos propres yeux, et le plus tôt possible. Si on attend toujours une date (et un label) pour The Big Moon, le premier album de Beau, That Thing Reality, sortira quant à lui le 13 mars prochain.
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