Avec un nouvel album absolument dans les clous, les Beastie Boys poursuivent une œuvre hip-hop singulière et déjà bien classée monument historique.
Notre rencontre avec les Beastie Boys ne date pas d’hier. Au printemps 2010 déjà, les trois New-Yorkais étaient en promotion à Paris pour leur nouvel album, Hot Sauce Commitee, que nous avions d’ailleurs écouté dans des conditions assez désagréables (un molosse nous surveillait dans une chambre d’hôtel qu’on imaginait quasi surveillée par des tireurs isolés).
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Le groupe s’était ensuite livré à une interview pas totalement passionnante, entre deux claquements de portes et trois blagues, dans un taxi qui le menait vers une session photo dans une boulangerie typiquement parisienne (auparavant, ils s’étaient fait prendre en photo à Tokyo, dans un magasin de sushi tout aussi cliché, et quelque part en Allemagne certainement dans une échoppe à curry würst).
C’est donc un peu déçu qu’on avait quitté les Beastie Boys – mais avec néanmoins quelques pistes et idées fortes – pour apprendre quelques jours plus tard, par voie de presse, qu’Adam Yauch – alias MCA – était atteint d’un cancer qu’il fallait traiter au plus vite. Le disque était naturellement reporté sine die, et la cassette de l’interview (oui, la cassette) soigneusement rangée dans un tiroir.
Un an plus tard, presque jours pour jours, MCA guéri et en pleine forme, tant mieux, Hot Sauce Committee Part II sort finalement, loin des paranos et plus près des oreilles. Après plusieurs écoutes à la coule, le verdict est forcément plus précis. Hot Sauce Committee Part II, c’est un retour à ce que les Beastie Boys savent faire de mieux : ce hip-hop sautillant et posé sur vérins, narquois et saturé, qui illumine les meilleurs essais du groupe, de Paul’s Boutique à Check Your Head.
Equipé d’un clip-superproduction de trente minutes qui reprend celui de (You Gotta) Fight For Your Right (To Party), dans lequel apparaissent entre autres Jack Black, Will Ferrell et le grand Seth Rogen, le nouveau single Make Some Noise confirme la chose : à l’heure où le hip-hop mute dans la foulées de Kanye West ou plus récemment de Tyler The Creator, les Beastie Boys ont choisi le repli, mais un repli avoué qui honore plutôt la cohérence de leur œuvre. Mike D : “Certains trouveront que notre disque est à côté de ce qui se passe aujourd’hui, et nous le reconnaissons bien volontiers. Quand nous nous retrouvons tous les trois, c’est pour faire un disque des Beastie Boys. Ça a toujours été le cas et c’est ce qui fait que nous prenons encore plaisir à travailler ensemble : cette idée de partager un secret, une formule, que personne d’autre que nous ne possède.”
C’est d’ailleurs avec un certain humour que les Beastie Boys ont intitulé “new reactionnaries version” (la “version des néo-réactionnaires”) le nouveau mix d’un duo réalisé avec Nas, Too Many Rappers. “Ça ne veut pas dire que nous nous suivons pas ce qui se passe. Au contraire, nous passons énormément de temps à écouter ce qui sort en hip-hop, ou même dans d’autres styles. La preuve, c’est la présence de Santigold sur l’un des morceaux (le très dubstep Don’t Play No Game That I Cant’ Win). C’est pour nous l’une des artistes les plus passionnantes du moment. Mais jamais nous ne concèderons une once de terrain à la hype. Rien ne nous intéresse plus que les Beastie Boys”, reprend MCA sous le regard approbateur de ses complices.
C’est ainsi que l’on trouve sur Hot Sauce Committee Part Two ce que les Beastie Boys savent encore faire de mieux : des bombinettes à vous faire danser avec les bras qui se plient et se déplient partout autour du corps (Nonstop Disco Powerback, Say It, Long Burn The Fire), des instrumentaux dubby qui font tomber les yeux et le pétard sur la moquette (l’ultra narcotique Multilateral Nuclear Disarmament) ou encore ces friandises garage dont eux seul ont la clé – forcément rouillée (Lee Majors Come Again, hommage au héros de L’Homme qui valait trois milliards et L’Homme qui tombe à pic).
Dandy et dynamique, frimeur et frais, Hot Sauce Committee Part Two, sans être révolutionnaire ni fondamentalement suprenant (les fans joueront à domicile, hoodie et casquette à l’envers, le skate pas loin), Hot Sauce Committee Part Two est tout simplement un excellent disque des Beastie Boys, par les Beastie Boys. Il dégage à chaque écoute une espèce de modernité paradoxale qui semble déjà étrangement appartenir à l’histoire : et si c’était ça qu’on appelle la jeunesse éternelle ?
Pierre Siankowski
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