Le troisième album d’Oasis ne recèle aucune surprise, si ce n’est d’appuyer encore plus fort sur la pédale à tubes planétaires. Soit : remplir les caisses avant de plier bagage.A force de dire que les chansons d’Oasis ressemblaient un peu à celles de Status Quo, les détracteurs des Gallagher ont fini par gagner : avec […]
Le troisième album d’Oasis ne recèle aucune surprise, si ce n’est d’appuyer encore plus fort sur la pédale à tubes planétaires. Soit : remplir les caisses avant de plier bagage.
A force de dire que les chansons d’Oasis ressemblaient un peu à celles de Status Quo, les détracteurs des Gallagher ont fini par gagner : avec Be here now, le troisième album de leur sidérante carrière, les Mancuniens signent effectivement un disque de Status Quo. Entendez par là : Oasis signe un disque qui ne changera rien au vieux débat « pour ou contre », une collection de chansons qui ne semble avoir qu’une fonction, celle d’enfoncer le clou. PROFOND. Ceux qui ne voient ici que vieilles ficelles, grosses combines et pompage intempestif de l’héritage Beatles-Pistols trouveront largement de quoi alimenter leur moulin à cynisme sur Stand by me ou Magic pie des chansons qui ont effectivement comme un petit air de famille. Les autres seront confortés dans l’idée qu’à quelques encablures d’un nouveau millénaire, Noel Gallagher et son diable de frangin chanteur forment l’équipe la plus habile et la plus rusée dans l’écriture d’une musique qui n’a pas peur d’être simple, directe, en un mot : populaire. Status Quo, donc. Mais ce n’est pas tout, car il y a bien du neuf, de l’inédit sur le troisième Oasis. Pour être précis, l’info est la suivante : avec Be here now, Liam et Noel ont définitivement largué les amarres, laissant au port le peu de modestie qu’il leur restait encore on se souvient de faces B acoustiques où l’aîné Gallagher chantait en baissant les yeux pour prendre la mer en conquérants invincibles, toutes guitares devant et la voix en guise de bélier. Jamais Oasis ne s’était payé pareille production, jamais ses chansons ne s’étaient permis l’ascension d’un tel mur du son, si spectaculaire qu’on le jurerait bâti par un Phil Spector revenu à sa raison soit à la déraison des hommes.
Revue de détail : passé la porte de l’album D’you know what I mean’, single mineur auquel on a quand même fini par s’accrocher , on entre dans le monde de Be here now par l’effarant My big mouth, peut-être le titre le plus acide, le plus bagarreur jamais écrit par Oasis. Une envie d’en découdre qui n’empêchera pas Noel de glisser quelques pincées d’ironie dans ses mots en nets progrès « Into my big mouth, you could fly a plane » (« J’ai une si grande gueule qu’on pourrait faire voler un avion à l’intérieur ») et qui permet surtout à l’album de décoller instantanément. Ainsi placé en apesanteur, le premier gros choc du disque Magic pie, troisième au générique, chanté par Noel n’a plus qu’à s’avancer tranquillement sur le tapis rouge. La structure est classique, le motif de chant entendu mille fois, les guitares sans surprises, mais la conjonction de l’ensemble réellement saisissante : grand tube annoncé. Tout comme le superbe Stand by me, pris en charge par un Liam Gallagher qui n’a jamais aussi bien chanté. Le morceau se meurt au bout de plusieurs minutes d’un refrain d’une limpidité effarante et l’on entend déjà la clameur des stades, le doux son d’un triomphe condamné à s’accroître. Même constatation à l’écoute du refrain désabusé de I hope, I think, I know, lequel pourrait également s’inscrire dans la liste des hits potentiels. Stupéfiant calcul : il faudra donc attendre le sixième titre de l’album, The Girl in the dirty shirt, pour enfin entendre un non-tube, une chanson normale, terrienne pour ne pas dire faiblarde. Là, le disque change de teinte : du rouge triomphant des premières envolées on passe au bleu triste du doucereux Don’t go away, tout juste précédé par les dérapages instrumentaux d’un Fade in-out qui n’aurait pas détonné sur le Second coming des Stone Roses et sur lequel a été invitée la guitare soûle de Johnny Depp. Même état d’esprit sur le morceau Be here now : Oasis, conscient d’avoir entassé assez de refrains monumentaux au début de l’album, se permet quelques écarts, deux ou trois pas d’un lourd boogie. Mais dès All around the world, l’ambitieux Noel ressort ses vieux grimoires et tente une ultime incursion chez les Beatles de Sergeant Pepper en dix minutes d’un psychédélisme bon teint. Coup de génie ou grenouille qui se rêve plus grosse que le boeuf ? Peu importe finalement, car l’essentiel est ailleurs : même sur l’ordinaire It’s getting better (man!) qui referme l’album avant l’ultime reprise du thème de All around the world , le clan Gallagher a eu l’admirable culot de jouer son jeu à fond, nous épargnant pas de danseuse et doutes existentiels. On terminera en rendant la parole à l’aîné des Gallagher, drôlement synthétique sur le texte de son I hope, I think, I know : « Peu importe ce qui se passera maintenant, parce que même si je trébuche, vous n’oublierez jamais mon nom. »
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