Comment, pour un duo, survivre au suicide de son alter ego ? Moitié de Battant, qui sort un second album d’electro rageuse et tranchante, Chloé Raunet explique pourquoi il lui fallait continuer. Rencontre et écoute.
As-tu hésité avant de continuer le groupe ?
Chloé Raunet – Joel était plus que mon meilleur pote, plus que mon frère. Il était dans ma tête, j’étais dans la sienne. Cet album, on l’a vraiment écrit à deux. Je n’ai jamais travaillé avec quelqu’un comme ça, si intensément. On s’est enfermés dans une chambre avec un ordi, des guitares, des basses et on a fait toute la musique ensemble. Mais je pense que son acte n’a rien à voir avec le groupe, et que quand il a décidé de se tuer, il ne pensait ni à moi, ni au groupe. Il a trop bu et ses pensées noires ont pris le dessus. Ça n’a donc pour moi jamais remis en cause l’existence du groupe. Ce disque représente aussi deux ans de travail, deux ans de ma vie. Perdre d’un coup Joel et le groupe, ç’aurait été trop dur.
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Comment se sont passés les premiers jours qui ont suivi sa mort ?
Tout a été dur. J’ai dû ranger sa chambre et faire plein de démarches. Après la première semaine, j’ai eu l’impression que chaque jour devenait de plus en plus difficile. Fany et Stéphanie de Kill The DJ sont venues à Londres tout de suite. Elles ont compris que je voulais continuer, et elles m’ont aidée à prendre les décisions. Le batteur, Ben, et le guitariste Jake, avec lesquels on avait commencé à bosser sur le live, m’ont aussi beaucoup soutenue. Je les connaissais depuis peu, j’aurais compris qu’ils flippent et veuillent arrêter.
Tu as eu peur que certains ne comprennent pas ta démarche ?
Oui, même si ça n’a pas été ma première réaction. Mais tout de suite, j’ai été entourée, les amis de Joel m’ont tous soutenue. Et puis je sais, profondément, qu’il aurait aimé que je continue.
Sur scène, il reste présent ?
Je crois que je n’ai pas du tout de spiritualité, parce que je ne sens pas sa présence. Je sens qu’il n’est pas là. Je ne me suis d’ailleurs jamais sentie aussi seule. Au concert de Tours, pour parvenir à monter sur scène, il a fallu que je me fasse violence, que je prenne une grande distance. En descendant, j’ai cru que je devenais folle.
Comment envisages-tu le futur, les mois qui viennent ?
Mon but est de faire le mieux possible ce qu’on a créé, c’est une forme de respect. Je sais que Joel en était très fier. Aujourd’hui, même pendant les répétitions, c’est difficile, on avait l’habitude de toujours prendre les décisions à deux. Là, ça m’oblige à bouger, à assumer davantage une position de leader. Ce qui n’est peut-être pas un mal. Je pense que dans les trucs horribles, il faut essayer de trouver du positif. Je me suis toujours un peu cachée derrière les autres. Là je ne peux pas reculer. J’ai la sortie de l’album, des dates de concerts. J’y vais, je n’ai pas le choix.
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