Rencontre avec une nouvelle génération qui raconte comment l’auteur de La nuit je mens les a influencés. Une fascination qui ne se dément pas.
“J’adore tout chez ce mec” (Gringe)
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“Bashung, c’est un mec que j’écoute au quotidien. La première fois que j’entends sa musique, c’est mon père qui est en train de l’écouter ; je devais avoir 10 ans je crois. Je le découvre avec des morceaux comme Osez Joséphine (1991), ou encore Ma petite entreprise. C’est resté dans ma tête de façon définitive. Il a une écriture tellement poétique, tellement suggestive, ça me stimule à chaque écoute.
Pendant la construction de mon album, je revenais souvent vers lui, comme si c’était une évidence. Les chansons de Bashung m’évoquent mille choses, ça fait travailler mon esprit. Tout me plaît chez lui : sa voix, son tarin, sa ganache, j’adore tout chez ce mec. Sa présence aussi, et quelle présence ! Le disque auquel je reviens tout le temps est bien évidemment Fantaisie militaire. Il est sorti quand j’avais 17 ou 18 ans et ça a été un véritable choc.
Aucun express est une des plus belles chansons d’amour qui ait jamais été écrite, vraiment. C’est magnifique. La nuit je mens, c’est sublime, sublime ! C’est une œuvre d’art à part entière. La mélancolie de Bashung me parle énormément.” Propos recueillis par Pierre Siankowski
“Son mystère, son élégance” (Raphaël et Théo Herrerias, Terrenoire)
“C’est un artiste important dans nos vies, certainement encore plus que dans notre musique. A l’adolescence, en dehors du rap, on n’écoutait pas de chanson française. Avec notre père, on a commencé par découvrir L’Imprudence (2002). Nous étions fascinés par le titre de l’album et la pochette montrant cet homme dans la pénombre tout droit sorti d’un film noir.
Le disque devient aussitôt une référence, comme l’avait été Kid A (2000) de Radiohead dans un autre registre. Mais des phrases comme “avoir l’amour en bandoulière”, “laisse venir l’imprudence” nous ont marqués instantanément. On adorait aussi la scansion de Jamais d’autre que toi, d’après un poème de Robert Desnos.
L’univers poétique de Bashung, son mystère, son élégance, son esthétique nous émeuvent toujours. Nous avons ensuite remonté le fil discographique, avec Fantaisie militaire (1998), Chatterton (1994), etc. En faisant travailler plusieurs équipes de musiciens, d’arrangeurs ou d’auteurs suivant les disques, Bashung était un immense directeur artistique. Avec une vision rare et une exigence jamais démentie.
C’était notre bluesman, porté par l’imaginaire des grands espaces américains. Avant même le début de Terrenoire, nous avions repris Toujours sur la ligne blanche dans le gymnase de notre lycée, en comprenant seulement après coup qu’il s’agissait d’un morceau sur la cocaïne (sourire).” Propos recueillis par Franck Vergeade
“Une élasticité vocale unique” (Arthur Teboul, chanteur de Feu ! Chatterton)
“Enfant, je connaissais le tube Ma petite entreprise de Bashung par le biais de mon père, qui écoutait l’album Chatterton (1994) à la maison. Puis, à 10 ans, en CM2, j’ai entendu à la radio La nuit je mens (1998), portée par cette voix intemporelle et cette phrase incroyable : “J’ai dans les bottes des montagnes de questions/Où subsiste encore ton écho.”
Il y a quelque chose d’à la fois rugueux et obsédant, comme souvent chez les plus grands artistes – de Gainsbourg à Bashung, mes deux chanteurs de chevet. J’entrouvrais une porte sur un monde nouveau. Au lycée, d’autres titres de Chatterton m’ont obsédé : A perte de vue, A Ostende et surtout Un âne plane, qu’il m’arrive parfois de chanter dans la rue.
Bashung est devenu alors un idéal de beauté, un canon esthétique. Il avait une manière tellement singulière de faire sonner – et même de déformer – les mots, une élasticité vocale absolument unique. La poésie de Bashung, qu’elle soit cosignée avec Boris Bergman ou Jean Fauque, se situe moins dans le texte que dans l’interprétation.
C’est ce qui m’a frappé en découvrant sa version d’Immortels. Ma fascination pour Bashung provient de la puissance de son être, du mystère de son âme. Malheureusement, je n’ai jamais eu l’occasion de le voir en live, mais j’ai regardé plein d’extraits de concerts filmés.
D’ailleurs, j’ai longtemps cru – à tort – qu’Alain Bashung était grand. Il nous a beaucoup influencés au début de Feu ! Chatterton, notamment dans un morceau comme Bic médium où l’on s’amusait à étirer les mots. Bashung reste une source d’inspiration en même temps qu’un modèle indépassable.” Propos recueillis par F. V.
“Fantasque et populaire” (Benoît David, guitariste de Grand Blanc)
“Alain Bashung est une référence commune pour de nombreux musiciens de ma génération. J’ai découvert La nuit je mens à la radio puis quelques morceaux de L’Imprudence sur France Inter. Evidemment, Bashung est un modèle de variété alternative qui nous a inspirés au début de Grand Blanc. Quand je suis tombé sur Play blessures (1982), son album ovniesque écrit avec Gainsbourg, ça a été un choc.
Il véhiculait une telle émotion avec sa voix spectrale, cette musique étrange et des textes aussi déconstruits que Scènes de manager. Ses grands écarts artistiques m’impressionnent : Bashung était le seul capable à sortir Gaby Oh ! Gaby et L’Imprudence, en jouant des contraires comme peu de chanteurs français. Dans Pizza (1981), il est impossible de savoir si le disque est kitsch ou volontairement kitsch.
Bashung était à la fois fantasque et populaire. Avec sa discographie, il a multiplié autant les tours de magie que les miracles. Pour une émission télévisée, avec Grand Blanc, on avait repris Noir de monde, un titre de L’Imprudence dont le thème urbain nous est cher.
Entendre aujourd’hui Bashung interpréter Immortels, dont je ne savais pas qu’il s’agissait d’une chanson de Dominique A, m’a fait extrêmement plaisir et franchement halluciné. Comme une adresse de l’au-delà.” Propos recueillis par F. V.
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