Avec Banned in New York, le saxophoniste Greg Osby livre une musique exaltée, prise sur le vif, en état de grâce. Greg Osby n’en finit plus de nous étonner. Après Zero, paru il y a quelques mois à peine, authentique petit chef-d’oeuvre d’invention et d’intelligence musicale, disque somme proposant une synthèse personnelle de près de […]
Avec Banned in New York, le saxophoniste Greg Osby livre une musique exaltée, prise sur le vif, en état de grâce.
Greg Osby n’en finit plus de nous étonner. Après Zero, paru il y a quelques mois à peine, authentique petit chef-d’oeuvre d’invention et d’intelligence musicale, disque somme proposant une synthèse personnelle de près de vingt années d’expérimentations formelles du collectif new-yorkais M’Base ; disque laboratoire aussi, programmatique, ouvrant résolument sur un au-delà stylistique, indiquant toute une série de voies potentielles pour dépasser certains partis pris théoriques un peu rigides et systématiques, le voici qui revient avec un disque en tout point opposé : un brûlot brut, sec, une heure de musique vive, exaltée, passionnée, explosive, captée sur le vif sans fioritures, enregistrée live quelque part à New York ; quatre hommes enfermés dans leur petite bulle de présent pur oeuvrant en secret sur la course folle de la Grosse Pomme projetée d’un bloc vers cette fin de millénaire. Un disque vivant, vibrant, organique. Peuplé. On y sent la nuit, ses sortilèges, sa moiteur. On sent la tension, la concentration des musiciens engagés corps et âme dans l’instant, leur proximité « l’urgence », en un mot, cette notion tant galvaudée, d’une musique en train de se faire…
Il y a quelque chose d’anonyme là-dedans, quelque chose d’intemporel aussi. On est là comme au plus intime de ce qu’est le jazz dans son rapport au temps, à l’espace, au rythme et à l’individu quand la musique parle d’elle-même, quand elle s’empare comme un succube des corps qui se laissent envahir par ses charmes. L’effet immédiat semble paradoxal d’une sorte de retour aux sources, comme si, pris dans le feu de l’action, les subtiles préoccupations architecturales, les mises en perspective savantes, les emboîtements de structures en abyme se trouvaient balayés par la fluidité du discours, une manière de linéarité expressive ; comme si Osby explicitait soudain ses origines et révisait ses fondamentaux, grammaire et vocabulaire de base, moins pour les réciter en virtuose que pour y prendre un nouvel appui. Car si finalement c’est l’éternelle modernité de Charlie Parker qui s’impose comme référence ultime, cette musique cherche moins dans le bop (be, hard, free…) un modèle idéalisé que l’espace d’une révolution permanente se souciant en fin de compte moins de la forme, magnifiquement chahutée, qu’en deçà du matériau qui la constitue et au-delà de l’esprit qui l’anime…
Résultat : six morceaux enchaînés sans temps mort, une musique de braise où Greg Osby dans sa quête d’expressivité instantanée voit l’instrumentiste prendre le pas sur le compositeur. Lyrisme tout en énergie et concentration ; fluidité, souplesse animale du phrasé ; contrôle absolu des effets de matière de la sonorité, du velouté au granuleux : si finalement cette musique fait retour, c’est à la puissance émotionnelle de la voix.
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