Le troisième album d’Aya Nakamura a failli être une succession de titres redondants et calés sur l’exact même principe. Mais grâce à quelques morceaux salutaires et une production bluffante, Aya est sauf. Ouf.
À 25 ans, Aya Nakamura en a déjà pas mal bavé. Son succès, fulgurant, a braqué sur elle la lumière aveuglante des projecteurs, mais lui a aussi valu un nombre incroyable de critiques virulentes. Alors, elle s’est endurcie.
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Pour promouvoir ce troisième album, le très attendu Aya, la native de Bamako aurait pu miser sur le silence et laisser les chiffres gonfler, mais a choisi d’être présente médiatiquement et de parler de sa musique fièrement. Tant mieux, car il y a des choses à dire.
Ragots et rivalités
Disons-le tout de suite, ce nouvel album, n’a rien de surprenant. Il n’est pas ici question d’innover ou de prendre quelque contre-pied que ce soit. Les formats sont courts, radiophoniques au possible (aucun titre ne dépasse les 3mn30), et construits sur des structures semblables.
Aya Nakamura a une manière de faire de la musique à laquelle ses producteurs se plient. Excessive, peut-être, mais c’est aussi ce qui fait sa singularité et son succès. Cet été, le premier extrait du disque, Jolie nana, a caracolé en tête des charts singles. Produit par le trio Julio Masidi, John Makabi et Isaac Luyindula, il charrie des éléments rythmiques latinos, afros et caribéens savamment arrangés, et est doté d’un clip de plus de six minutes, où les déceptions amoureuses côtoient les ragots et les rivalités féminines. Les thèmes préférés de la chanteuse. Ces couleurs musicales optimistes ne font pas tout : le second single, Doudou, fait d’accords mineurs, de grands drops de batteries, est, lui, davantage influencé par des sonorités nigérianes plus dark.
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Mais c’est clairement la première recette qui domine sur Aya, notamment grâce aux productions menées par Julio Masidi (un type capable de sortir des snares improbables comme sur Tchop). Elles sont lumineuses sur Sentiments grandissants, avec ses nappes massives, ou sur Love de moi. Mais qu’on ne s’y trompe pas, contrairement à ses précédentes sorties, Aya Nakamura a ici tendance à baisser la garde : elle qui a cartonné en mettant en avant sa force et son indépendance se montre ici prise dans des sentiments amoureux inextricables. Sur Mon chéri, elle le confesse : « Tu m’as tentée, je suis tombée. » Il en va de même pour Plus jamais, en featuring avec un Stormzy économe (trop peut-être).
Des textes au chausse-pied
Heureusement, Aya ne se contente pas de ressasser de telles histoires jusqu’à l’indigestion. Sa production, également assurée par l’écurie Le Side – qui a façonné ses plus gros hits comme Djadja ou Pookie en 2018 – est d’une précision bluffante (si l’on est sensible aux subtils agencements rythmiques faits d’afro-beats et de zouk). On l’a dit, Aya Nakamura en a bavé, et s’est construit un cocon familial rigide autour de sa fille de quatre ans. C’est, entre les lignes, ce qu’elle raconte sur La Machine. « Tout est mort, alors je m’éloigne de vous / Vous devenez trop toxiques / C’est grave j’hallucine / Y’a trop de cinéma, j’montre plus mes sentiments / C’est cette vie maintenant que j’ai choisie ». Il y a visiblement une volée de comptes à régler en coulisses.
Cependant, bon nombre de ses morceaux pêchent terriblement dans les textes. Pas dans les thèmes ou les rimes, mais dans la musicalité des paroles. Trop de phrases rentrées au chausse-pied sur Fly, trop d’évidences sur Ça blesse, peut-être trop de spontanéité (non, ça n’est pas toujours un gage de qualité). Elle qui a ce don pour faire sonner des mots que personne n’a encore entendus ou presque, tombe parfois dans la facilité et dans le discours. Quitte à en oublier la musique. Mais heureusement, plusieurs titres comme Nirvana ou Biff viennent contrebalancer ce constat.
Derrière le rideau rose
Et puis, il y a ce featuring avec le rappeur Oboy : Préféré. Imaginez un vidéoclub. Vous pénétrez dans le magasin, parcourez les rayons pendant une demi-heure, jusqu’à apercevoir un petit rideau rose que vous décidez de franchir pour découvrir un tout autre monde : celui réservé aux adultes.
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Préféré, c’est exactement ça. Situé à la toute fin de l’album, comme pour l’écarter des oreilles des plus jeunes, il tranche avec les émotions contradictoires du tracklisting. Oboy, également coaché par Le Side, n’y va pas par quatre chemins : « Elle veut que j’la mange, elle veut que j’la penche/ Que j’rentre dans sa chhhhh, que je lui sorte l’engin. » Le tout sur une production purement zouk love signée de l’écurie habituelle et de Jxn Beats. Savoureux, tout comme le dernier titre, Mon lossa, en featuring avec une Ms Banks chauffée à blanc.
Aya était donc attendu, et ne déçoit pas complètement. Bien qu’il n’ait rien d’une prise de risque, ce nouvel album agrège de nouveaux thèmes à la discographie de la chanteuse (qui peut aussi remercier ses beatmakers) et brille par sa capacité à synthétiser des influences venues de quatre continents différents. Aya Nakamura aurait pu tomber dans un piège : celui de viser l’export à tout prix et d’internationaliser sa musique. Mais derrière les formats taillés pour le streaming et consommables instantanément, elle ne sonne finalement comme personne. C’est toute sa force et celle de ce disque.
Album : Aya (Rec. 118/Warner Music France)
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