Je ne sais toujours pas exactement qui Philippe Azoury et moi-même avons rencontré en ce lointain après-midi d’apesanteur à La Coupole. Yves Adrien ? Ou l’un de ses “mirifiques alias” : Eve Punk, Orphan, Y. A., Mister Lonely, Le Fantôme, Ghostwriter, 69×69 ? Un rock kritik, un écrivain, une icône underground, un dandy de l’ombre, […]
Je ne sais toujours pas exactement qui Philippe Azoury et moi-même avons rencontré en ce lointain après-midi d’apesanteur à La Coupole. Yves Adrien ? Ou l’un de ses « mirifiques alias » : Eve Punk, Orphan, Y. A., Mister Lonely, Le Fantôme, Ghostwriter, 69×69 ? Un rock kritik, un écrivain, une icône underground, un dandy de l’ombre, une star, un cinéaste, un film, une apparition ? Une chose sûre : c’était magique, unforgettable.
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Azou et moi étions fans depuis longtemps (comme Bertrand Burgalat, Thierry Ardisson ou Michel Houellebecq) de celui qui fut et demeure le plus fascinant écrivain rock de ce pays (sans lui, pas d’Alain Pacadis ou d’Eric Dahan). Je l’avais découvert « en direct » dans le Rock & Folk de l’année 1978, quand Yves Adrien inventait l’afterpunk, le novö (et la langue, la typo, les mises en page qui allaient avec) sous la signature techno-métallique d’Orphan. Subjugué par cette leçon conceptuelle et littéraire, j’avais recherché frénétiquement les vieux R&F pour découvrir la période 73, quand il signait Eve Punk ou Sweet Punk des merveilles intitulées « Burn baby burn » ou « Je chante le rock électrique », où il prônait les secousses Stooges et Flamin’ Groovies contre Genesis, la chanson militante et le rock progressif. Après une longue éclipse, Yves Adrien avait refait surface en 1988, dans un R&F au creux de la vague et dans l’indifférence d’une époque tournée vers Madonna, alignant une fastueuse série en dix articles tressant bilan du rock et hommage à un ami défunt (publiée en livre sous le titre 2001 – Une apocalypse rock).
Cet après-midi à La Coupole, Adrien porte un bandana, une veste de velours, un jean noir et des boots, croisement entre chef apache et rocker psyché punk. Seigneurial pilier du lieu, il commande un saint-émilion, puis déroule son histoire capiteuse, qui est aussi celle du rock, de la presse alternative et de la culture de l’ombre.
Son érudition est gigantesque (il a tout lu, vu, écouté, et toujours le meilleur), son phrasé est élégantissime, son oralité aussi châtiée que son écriture. Son récit nous embarque de l’Egypte ancienne aux Seychelles, en passant par le Paris du Palace eighties et les rames de RER de banlieue, selon un montage qui relie la Callas et le Wu-Tang Clan, Iggy Pop et Céline, Samuel Fuller et Pascale Ogier, J.-K. Huysmans et J.-P. Léaud, George Sanders et Van Gogh… Fabuleux voyage immobile, gouvernant un beau numéro consacré aux noces entre rock et littérature.
Nous reverrons Y. A. plusieurs fois, même date (le 27 mars), même endroit (cette Coupole hantée par les New York Dolls, Kraftwerk, la bande Kalfon-Clémenti…). Dernières nouvelles à Cannes 2011 avec Des jeunes gens mödernes, le docu de Jérôme de Missolz dont Adrien est la star incontestée. Eclipse/présence, vie/mort, tout s’agence différemment chez Yves Adrien, comme le montre ce faire-part qu’il m’a un jour fait parvenir :
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