Loin de se destiner à l’oubli, « l’idole des jeunes » a su conquérir le cœur d’une nouvelle génération qui se le réapproprie. Parce que oui, on peut être jeune et fan de Johnny.
“Sa musique est devenue intemporelle, c’est tout.” Amélie a 27 ans et n’a aucun problème à dire qu’elle écoute Johnny Hallyday. Dans sa playlist “Chante France”, elle l’écoute au même titre que Jacques Brel, Henri Salvador, Georges Brassens… Mais elle a évidemment conscience de ce que renvoie Johnny auprès de certains. “Il représente un style complètement en décalage avec notre génération, donc il y a forcément une part d’ironie dans notre rapport à lui, observe-t-elle. Mais tout le monde reconnaît l’artiste derrière tout ça.”
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https://www.youtube.com/watch?v=TBWGhr9kuyg
Cette ironie n’est toutefois pas du goût de tout le monde. Pas du goût de Guillaume, par exemple. A 26 ans, ce fin connaisseur de l’histoire du rock ne plaisante pas du tout avec la carrière de “l’idole des jeunes”, comme le chantait Johnny lui-même en 1962. “C’est un peu inévitable d’être dans le second degré, reconnaît-il, il y a tellement de clichés autour de lui… Moi, en tout cas, je suis très premier degré avec Johnny.”
Guillaume parle avec passion du morceau Les Portes du pénitencier (“Il faudrait faire un montage avec ce son et des images de PNL”, rêvasse-t-il), mais surtout de certains albums comme Rivière… ouvre ton lit, un “bijou absolu” sorti en 1969. Même chose quand on en discute avec Basile, 27 ans. “J’aime bien glisser un vieux Johnny dans les blind tests en soirée, raconte-t-il. C’est drôle de voir tes amis citer des artistes très ‘sérieux’ et ne jamais penser à lui.”
Une “puissance de la nature”
Un peu dans la continuité de Guillaume, Basile affectionne particulièrement les albums Vie et Flagrant délit, soit la période début 70’s de Johnny. Plus deep encore : Basile est également fan du Johnny Hallyday acteur. Que ce soit dans Le Spécialiste de Sergio Corbucci, Détective de Godard ou encore Vengeance de Johnnie To, il y voit le travail d’une “puissance de la nature”, un peu à la Depardieu.
“Le mec a toujours l’air un peu crétin, mais il ne peut pas mettre une phrase à côté, observe Basile. Il a une intelligence de l’interprétation vraiment folle, autant à l’écran que dans ses morceaux.”
https://www.youtube.com/watch?v=cC76VlNG-dk
Basile reconnaît avoir une approche “assez construite” de Johnny Hallyday et de surtout aimer “les trucs intello” qu’il a signés à certaines périodes de sa carrière. Les derniers albums, par exemple, il ne les a même pas écoutés. Même chose pour Amélie, qui aime surtout les morceaux classiques. Pareil pour Guillaume. “A partir des années 80, il part en vrille, il faut bien le reconnaître, estime ce dernier. Notre génération, elle a quand même découvert Johnny avec son bouc et les conneries avec Doc Gynéco et Passi !”
Guillaume est toutefois retourné le voir en concert lors de sa dernière tournée, en 2016, après l’avoir découvert sur scène au Parc des Princes quand il était petit, avec son père. C’était en 1993. “Il n’y a pas deux mecs en France pour faire des concerts comme ça, dit-il avec admiration. Même récemment, c’était toujours autant la folie.”
« C’est devenu de moins en moins une blague »
Thierry, lui, a vu six fois Johnny Hallyday en concert. Pour la fête de ses 30 ans, il y a quelques mois, il s’est même offert ceci : la venue chez lui de Johnny Vegas, le sosie plus ou moins officiel du vrai Johnny. Tout a commencé un peu comme une blague, raconte-t-il. “Avec un pote, on a passé un été en voiture à écouter un disque de Johnny qui traînait. On a bien déliré mais à la fin de l’été on avait vraiment envie d’aller le voir en concert.”
Nous sommes en 2007, Thierry a 20 ans et découvre Johnny Hallyday sur la scène de Bercy. C’est une révélation. “A partir de là, c’est devenu de moins en moins une blague, s’amuse-t-il aujourd’hui. N’importe qui étant allé à un concert de Johnny en est forcément ressorti avec des étoiles dans les yeux !” C’est cette émotion que Thierry a voulu partager en invitant Johnny Vegas à son anniversaire. “J’en joue un peu, concède-t-il. Mes potes savent très bien que j’aime Johnny. Quelque part, ça me caractérise à leurs yeux. C’est un running gag.”
Thierry a d’abord écouté Johnny Hallyday avec sa mère, très fan également. Mais pendant longtemps, il a dénigré le personnage et sa musique, “souvent considérés comme ringards”. A la base, Thierry est plutôt du genre à écouter Alain Bashung, Arcade Fire ou La Femme, dit-il. Même schéma avec Constance, 31 ans.
“Ma mère est vraiment fan de Johnny, dit-elle en se marrant. En grandissant, on assume ses goûts mais quand j’étais petite, j’avais honte. Johnny est régulièrement associé à un truc beauf.”
Tout comme Thierry, Amélie, Basile et Guillaume, Constance est évidemment allée le voir en concert. Elle a “halluciné” face à la diversité du public et s’amuse encore, aujourd’hui, de ceux venus voir Johnny “pour la blague” ce soir-là. “L’ironie a bon dos quand tu connais toutes les paroles par cœur, se moque Constance. Pour certains, c’est juste une façade. Ils n’assument pas d’aimer.” Constance travaille avec Jérémy, 27 ans, fan de Johnny Hallyday comme elle. “C’est devenu un personnage à part entière dans la pop culture, synthétise-t-il. Ça va faire bizarre de ne plus entendre parler de lui.”
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