Sans trop se remettre en question, le patron du rap français publie un 9e album sombre et musclé.
Dans Centurion, le premier track du nouvel album de Booba, titré Trône, on peut entendre ceci : « J’vais arrêter l’rap, gros ça pue d’la chatte/Ça paie plus les loyers, j’dépense trop de mula. » Booba promet d’arrêter le rap à longueur d’albums depuis une bonne quinzaine d’années maintenant. Mais il est toujours là, en forme et plutôt constant. Il relève même de nouveaux défis en annonçant un concert à la U Arena, la plus grande salle de France (avec une capacité de 40 000 personnes environ) inaugurée récemment à La Défense. Cette annonce a d’ailleurs a été suivie de près par le leak de Trône et l’avancée de sa sortie officielle, initialement prévue pour le 15 décembre. Les mauvaises langues ont parlé de leak volontaire et de marketing. Le résultat est là quoi qu’il en soit : 13 000 places vendues en 24h selon l’équipe de Booba.
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Turfu et traditions
Le rappeur tente de nouvelles choses pour son 9e album et la promotion de celui-ci. Il ressort également les vieilles recettes, comme ce clash mollasson réamorcé avec Rohff et La Fouine sur Instagram. Il prend donc note de ce qui se passe autour de lui tout en poursuivant sa route avec ses idées, ses marottes, ses expérimentations. Avec les années, il a construit une esthétique insulaire en absorbant, dans le même temps, les courants et les modes que le rap – surtout américain – produit continuellement.
Même ses imbécilités virilistes, présentes depuis toujours dans ses textes, semblent désormais prendre la mesure d’une évolution des regards : « Poches pleines de khaliss, j’aime pas qu’ces putes me résistent/Appelle-moi misogyne ou sexiste », chante-t-il sur Ridin’, morceau mélodique à l’autotune plus décomplexé que jamais. Davantage dans la provoc que dans le mea culpa, Booba s’empare en tout cas d’un vocabulaire qu’il n’avait jamais utilisé avant. Ici, il indique avoir conscience d’un problème autour du traitement accordé aux femmes dans l’imaginaire de ses morceaux, comme dans le titre A la folie, où il précise : « Malgré tout, j’les respecte toutes« . Mais il semble également dire qu’il s’en branle. Et qu’il n’a pas l’intention de changer.
Il y a donc des choses assez banalement traditionnelles dans ce nouvel album, qui, musicalement, se place pourtant dans le délire futuriste que Booba développe depuis l’album Futur, sorti en 2012. (Il y en a eu deux autres entre temps : D.U.C. et Nero Nemesis.) L’ambiance de Trône est crépusculaire et science-fictionnelle à peu près partout. Il y a seulement quelques passages, dont les titres A la folie et Ça va aller (feat. Niska et Sidiki Diabaté), pour venir éclaircir l’ensemble avec des prods qui promettent quelques déhanchés en soirée. Dans le genre, on retrouve aussi le tube DKR en bonus track de l’album.
Un album puissant à sa manière
Le reste de Trône est sombre, voire triste. Mais c’est justement là, derrière le remplissage ego trip, que l’écriture de Booba se distingue et brille réellement. Il y a parfois une forme de nostalgie dans sa voix, comme s’il nous parlait de loin, depuis une autre époque. Le vocoder ressemble alors à un simple écho, et on oublie presque qu’il y en a. C’est notamment le cas sur Friday, morceau désarmant et lunaire sur le succès et le temps qui passe. « Passent les gos, passent les euros, passent les années/Passent les clashs, guerres, ma carrière est cellophanée », chante Booba comme s’il traduisait en mots la pochette de Trône, où le « roi » baisse la tête et se tourne vers le passé. Il poursuit : « Méprise le game, maîtrise le game depuis des années/Route pavée de pétales, fleur du mal n’a jamais fanée ».
Autre grand moment de l’album : le couplet de Damso sur 113, où il s’emballe dans une logorrhée ultra technique à la Kendrick Lamar. Nous sommes track 11, déjà presque à la fin de l’album (sans compter les deux bonus tracks). Car à l’inverse des habitudes actuelles dans le rap, Trône est un album court et dense. Des fans s’en sont d’ailleurs inquiétés sur Twitter en affabulant sur une deuxième livraison de morceaux le 15 décembre, date de sortie pré-leak et désormais arrivée de l’album en version physique. En vrai, Booba en serait bien capable.
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