« Tangerine Reef », le nouvel album d’Animal Collective, ouvre un nouveau territoire inspiré de Philip Glass. Inattendu, perché et séduisant.
Cela fait des années que les zinzins d’Animal Collective s’attaquent à des mélodies sans défense, les triturent dans tous les sens pour en faire une pop multiple, instable, qui se nourrit aussi bien de folk hippie que de musiques électroniques et de jazz. La formule, il faut bien l’avouer, s’est quelque peu essoufflée ces dernières années avec des albums qui, bien que séduisants car mentalement dérangés, semblaient moins intéresser les foules.
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Les Américains ont toutefois le mérite de n’avoir jamais tourné le dos à leurs constructions sonores hybrides, d’être restés unis autour d’un goût commun pour les pop-songs pleines de vice, crâneuses, qui flirtent avec l’avant-garde et donnent l’impression d’avoir été composées à l’aide de drogues encore non répertoriées sur Terre.
Artistes extraterrestres
Avec le temps, on a d’ailleurs fini par retenir un enseignement essentiel à la compréhension d’Animal Collective : les New-Yorkais ne sont probablement pas de ce monde, trop fous, trop perchés, trop imprévisibles et trop arty pour être associés de près ou de loin à d’autres esthètes. La preuve, lorsqu’ils reviennent, deux ans après l’excellent Painting with, c’est avec un projet des plus étranges.
Fumeux, diront les plus hermétiques à cet art pervers du contre-pied. Réalisé au côté du collectif Coral Morphologic, et inspiré par une BO composée en 1982 par Philip Glass (Koyaanisqatsi), Tangerine Reef, accompagné d’un film du même nom, a été pensé comme un hommage à l’année internationale des récifs coralliens. C’est assez flou mais, comme souvent chez Animal Collective, il s’agit ici de s’abandonner, d’oublier le concept et de se perdre dans les méandres de son esprit lorsque résonnent ces mélodies culottées, parfois psyché, souvent angoissantes et volontiers expérimentales.
Réinvention infinie
Tangerine Reef, visiblement pensé sans Panda Bear, a en effet un côté de bric et de broc qui achève de rendre des titres comme Hair Cutter, Coral Understanding ou Palythoa délicieusement cinglés et mutants. Maniaques, pourrait-on dire également, tant Tangerine Reef, débarrassé des harmonies vocales et de l’archaïque structure couplet-refrain, ressemble finalement plus à une longue symphonie biscornue, voire à un hallucinant mantra d’une cinquantaine de minutes, qu’à un album ouvertement pop comme pouvait l’être Merriweather Post Pavilion.
Historiquement, il n’y a de toute façon que peu de points communs au sein de la discographie d’Animal Collective. Ce pourrait être pesant, c’est au contraire toute la beauté de cette formation, capable de se régénérer constamment, brutalement parfois, mais toujours avec cette idée, finalement peu utopique, de pouvoir tout (ré)inventer à chaque album.
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