Second extrait d’un triptyque vidéo, le clip de « Peupleraie » s’imprime sur la rétine aussi fort que celui de « Dreamers », son premier morceau en solo.
Ex-Concorde, on avait découvert Clément Froissart en solo avec Dreamers, une chanson douce accompagnée d’un formidable clip sur le tourbillon adolescent. Il revient aujourd’hui avec Peupleraie, réalisé par Thibault Dumoulin, une autre histoire d’enfance. En deux morceaux, Clément Froissart a imposé sa faculté à encapsuler le temps. Des moments volés et envolés, la cristallisation de la naissance du sentiment amoureux, des souvenirs magnifiés en songe : c’est ce qui traverse la musique d’un adolescent qui a grandi trop vite mais vieilli trop lentement.
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Un instant suspendu qui marque une époque, un moment gravé en musique, c’est ce que propose à nouveau le musicien. A travers l’exploration aigre-douce d’une relation père-fille, Peupleraie confirme qu’il faudra compter sur Clément Froissart. D’une voix frêle et éthérée, c’est le bruit de la collision du monde de l’enfance avec celui des adultes qui résonne sur Peupleraie. C’est parfois âpre, souvent déchirant mais toujours d’une justesse folle. A la vie comme à la musique.
Le clip de Peupleraie est disponible ci-dessous et, pour nous, Clément Froissart s’est aussi livré au jeu de l’interview où il est question de synthé fétiche, de Blue Velvet et de coup d’œil dans le rétroviseur.
C’est seulement ton deuxième morceau en solo et une identité très forte est déjà établie. Peut-on attendre des formats plus conceptuels ou l’album est-il un passage obligé pour la suite ?
L’album est prêt et sortira au courant de l’année 2018. J’aime pas vraiment l’idée de concept, je dirais plus que toutes les chansons sont intimement liées. Je me suis largement inspiré de mon enfance pour l’écrire, comme un doux mélange de ma mémoire. J’adore l’idée d’actes, de panneaux qui décrivent une période. J’ai toujours rêvé de pouvoir lier toutes mes chansons grâce à l’image, de mettre bout à bout des clips pour en faire un petit film.
Avec Concorde, les sorties étaient assez espacées et c’est encore le cas avec ton projet solo. Quelle importance tu donnes au temps dans ta composition ?
C’est vrai que j’ai toujours aimé prendre le temps, être sûr de chaque morceau, je suis extrêmement perfectionniste et j’aime avoir une sorte de recul qui vient seulement avec le temps. J’ai énormément écrit ces deux dernières années pour en garder le meilleur, le plus juste aussi.
Ton rapport à l’universel vient-il d’une même culture pop dont tu maîtrises le langage depuis Concorde ?
J’utilise les mêmes instruments depuis un moment maintenant. Notamment mon synthé fétiche, le Six Trak qui date du début des années 80. Ma palette est vraiment composée de couleurs chaudes, enveloppantes,é presque réconfortantes. Je ferais le rapprochement avec Edward Hopper qui peint une forme de solitude un peu crue, très esthétisée, avec des ambiances assez solaires. Ca doit être ça le côté pop universel, rendre beau ce qui est parfois dur ou triste…
Le lien amoureux, familial, amical prend une grande place sur tes deux morceaux et dans les clips qui les accompagnent.
Le fait de te retrouver en solo te force à parler sincèrement, je ne me cache plus derrière un groupe. Je suis vraiment allé puiser dans mon enfance et mon adolescence, les thèmes abordés ont donc forcément un lien avec l’amour, les potes et la famille. Que cela soit des scènes vécues ou des références cinématographiques, de films qui m’ont profondément marqué. Un premier album, c’est un peu un parcours initiatique et j’aime cette corrélation entre ma propre vie et mes chansons. J’ai été fils unique mes dix premières années et je me suis construit une fratrie faite d’amis, je ne supporte pas d’être seul. Ma bande de potes a toujours eu une place énorme dans ma vie.
Les réalisateurs des clips font-ils partie intégrante du projet que tu développes ?
Oui, clairement. Le cinéma m’a toujours obsédé. J’ai fait des études de photo et déjà à l’époque Lynch, Wim Wenders ou Chris Marker étaient mes maîtres absolus. Quand j’enregistre, je me projette tout de suite, je vois des images, je m’imagine des scènes, je ne peux pas concevoir un morceau qui ne m’évoque rien visuellement. J’ai vraiment voulu m’entourer de réalisateurs que j’aime, c’est un travail d‘équipe, je m’implique à fond dans chaque clip. J’aime le fait qu’ils extrapolent ma première vision, qu’ils s’approprient mes chansons pour créer leurs films avec leur propre regard.
Est-ce que tu penses au clip au moment de l’écriture ou alors le clip vient-il enrichir la chanson après, comme un second niveau de lecture ?
Je ne pense pas tout de suite au clip au moment de l’écriture mais j’ai déjà des images assez fortes et distinctes. Guillaume et Virgile, qui ont réalisé Dreamers, puis Thibault pour Peupleraie, sont des personnes dont j’admire le travail. Je savais qu’en leur confiant mes chansons on allait pouvoir se faire plaisir. J’aime ces relations intenses qui se créent lors de la création d’un clip, cette sensation de partager quelque chose de très intime. A chaque fois ils m’ont surpris et m’ont finalement apporté ce second niveau de lecture.
Il n’y a pas de misérabilisme dans tes clips. C’était une volonté d’être proche des personnages sans pour autant porter un jugement ?
Thibault et moi adorons le cinéma de Ken Loach et de Bruno Dumont. Ce qui fait la puissance de leurs films, c’est cette promiscuité où on entre dans l’intimité totale des personnages qui ont très souvent des vies marginales, en dehors des clous. Ça n’empêche qu’ils nous émeuvent à chaque fois par leur vérité, on a l’impression de se retrouver dans la même pièce qu’eux et de vivre leur réalité alors qu’il n’y a pas de surenchère émotionnelle. Avec Thibault, il était hors de question de tomber dans le pathos facile ou la démagogie. On a tous les deux voulu faire un clip sincère et être dans le vrai, l’émotion se crée mais ne se provoque pas.
Le projet semble tourner beaucoup autour de l’enfance, l’adolescence, le passage à l’âge adulte. Pourquoi ces thèmes te parlent à ce point alors que tu as déjà les deux pieds dans l’âge adulte ?
Je pense que je viens tout juste de sortir de l’adolescence ! Cette période me paraît tellement proche, même si je suis adulte depuis un moment déjà. J’adore ces moments charnières de la vie où tout se crée, où tout est nouveau. J’ai plutôt eu une belle enfance mais avec quelques grosses ombres au tableau qui m’ont fait grandir peut-être un peu trop vite, du coup j’ai adoré mon adolescence, j’en garde énormément de souvenirs qui m’inspirent encore aujourd’hui. J’essaie toujours d’avoir cette approche « naturaliste » et universelle quand j’écris sur mon enfance et que tout le monde puisse s’y retrouver.
Quels sont tes références et influences pour les clips ?
Je m’inspire énormément du cinéma, je suis complètement dingue de Blue Velvet ça a été ma première claque et c’est ce qui m’a donné envie de faire la musique que je fais aujourd’hui. J’adore Paris Texas et Arizona Dream, je me fiche un peu du cinéma élitiste, j’aime la pop, j’adore le second degré ! La Jetée de Chris Marker a joué un rôle important dans mon parcours aussi. En ce qui concerne les clips, les films de Gus Van Sant, de Xavier Dolan et les photos de Juergen Teller ou Ryan Mcginley nous ont forcément un peu inspiré sur Dreamers. Puis les films de Bruno Dumont, Ken Loach, les frères Dardennes et les photos de Jeff Wall, Nan Goldin ou Philip Llorca di Corcia sur Peupleraie.
Et la musique, plus largement ?
Mes parents écoutaient beaucoup de musique Africaine, comme Ismaël Lo, Touré Kunda, j’ai même fais des chœurs pour eux quand j’étais gamin. J’aime la beauté de la naïveté dans les mélodies africaines. Mes premiers amours persos c’était plutôt Michael Jackson et Nirvana. Puis j’ai découvert Sonic Youth, le Velvet, etc, et plus tard Kraftwerk et toute la scène de New York fin 70, début 80. Talking Heads, Liquid Liquid, Esg… Sinon dernièrement j’écoute pas mal Roméo Elvis, Kendrick Lamar, Mac DeMarco, Ariel Pink, Connan Mockasin et le dernier MGMT qui est super cool !
Clément Froissart sera en concert ce jeudi 15 mars à la Superpool Party #13 – Inrocks Les Bains. Toutes les informations ici.
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