A la croisée du jazz-funk et du disco, le groupe français se concentre toutefois sur le format chanson. Rencontre avec Charles, fondateur du groupe, et Flore, la chanteuse.A la croisée du jazz-funk et du disco, le groupe français se concentre toutefois sur le format chanson. Rencontre avec Charles, fondateur du groupe, et Flore, la chanteuse.
Posé au bar du Point éphémère, où L’Impératrice partage un local de répétitions avec le groupe Isaac Delusion, Charles de Boisseguin s’interroge : “Il était temps qu’on sorte cet album et en même temps, j’ai l’impression qu’il n’est jamais vraiment temps. Est-ce que, dans le format, ça veut encore dire quelque chose, un album ?” Pour une formation qui évolue hors cadre depuis ses débuts, attachée à l’intérêt du public et méfiante à l’égard du cirque promo classique, la question méritait d’être posée.
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Ancrer le disque dans une démarche avant tout musicale
Pourtant, comme dans une séance de psychanalyse durant laquelle les biais cognitifs apparaissent comme de grosses ficelles, Charles, Flore et toute la clique de L’Impératrice répondront sans faire gaffe à ce grand dilemme par l’affirmative : “On a sorti des singles, des ep et des maxis, ce qui nous a permis d’expérimenter pas mal de choses, que ce soit juste de l’instrumental, ou du sampling avec Vanille Fraise et des trucs plus second degré comme Sultans des îles, poursuit Charles. Sur l’album, on s’est davantage concentré sur le format chanson. Depuis que Flore est arrivée, nous avons tout réhabilité pour bosser autour de sa voix. On n’était pas habitué à travailler comme ça, c’est une démarche très différente.”
Pour la première fois depuis les débuts du groupe en 2012, L’Impératrice a enregistré live, dans les mythiques studios Ferber, en compagnie du réalisateur français Renaud Letang. Une façon de “laisser tourner le groove et de permettre à l’ambiance de s’installer”, comme l’explique Charles. Une façon aussi d’ancrer le disque dans une démarche avant tout musicale et de laisser l’aspect production au second plan, quitte à pousser le vice au point de dire que Matahari est un album “lo-fi”. Letang, qui a bossé avec des mecs comme Jean‑Michel Jarre, n’est pas le genre de type à venir mettre son nez dans l’artistique, mais il sait pousser les artistes dans leurs retranchements et les obliger à sonner de la façon la plus honnête qui soit.
Un héritage musical pluriel
C’est d’ailleurs parce qu’il a réalisé l’album de Soft Hair (le split sublime de Connan Mockasin et Sam Dust) que le groupe s’est rapproché de lui, histoire de voir jusqu’où cette démarche pouvait les emmener : “Sur les EPs précédents, ma voix était constamment doublée, par exemple. Ça veut dire que ça lisse tout et que ça efface toutes les imperfections. Sur l’album, on a parfois laissé la voix seule”, confie Flore. Là, typiquement, c’est Renaud qui nous a imposé ça, rajoute Charles. Même si c’est dur à assumer au début, on a compris que l’émotion résidait dans l’imperfection.”
Au moment où, en adoubant Orelsan, les Victoires de la musique semblent avoir cessé de nier les évidentes mutations des canons de la variété française, L’Impératrice convoque un autre héritage musical, bien français également, allant de la chanson au jazz-funk, en passant par le disco. Un spectre dans lequel se fond parfaitement le groupe depuis toujours et dont Charles exalte les références : “Bien sûr, on a ce côté disco ou jazz-funk, c’est une filiation directe. Mais il y a aussi le côté chanson française d’un groupe comme Cortex qu’on adore. Genre Troupeau bleu, tu sais pas trop ce qu’il raconte, mais c’est beau. Ou une chanson comme Les Oiseaux morts ; ça sonne un peu comme du Nino Ferrer, mais ça reste très groove. Continuer d’écouter ces musiques nous permet d’être à l’aise avec ce format et de le perpétuer.”
Un imaginaire rétrofuturiste fort
Ces musiques ont toutes en commun le fait de s’inscrire dans un imaginaire rétrofuturiste fort, à l’image de la pochette de l’EP Odyssée, qui mettait en scène un bus de voyageurs fringués façon fifties en partance pour les confins de l’univers. Mais, signe des temps qui changent, les utopies spatiales ici sont décharnées et l’espace vu comme un vide froid et infini, ainsi de la sublime Balade fantôme, inspirée d’une théorie complotiste qui raconte l’histoire de cosmonautes disparus, restés prisonniers quelque part dans le vide interstellaire :
“On est en rupture avec ce fantasme de l’espace, même si depuis le début on parle d’envies d’ailleurs et de science-fiction, convient Charles. Dans Apollo 21, de Florent Marchet, il est question d’une espèce d’exode de l’humanité dans l’espace et ça donne pas du tout envie d’y aller.”
Flore acquiesce, mais reste mitigée : “Il y a quand-même quelque chose de beau dans cette vision désabusée de l’espace et du futur, un peu comme dans les bouquins de Barjavel. C’est triste et poétique à la fois.” Bref. Autant de bonnes raisons de sortir un album.
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