Trois mois après une mixtape surprise, le producteur britannique Darren Cunningham livre son sixième album, œuvre dantesque et fascinante.
Aussi cryptique qu’il soit, Actress est une énigme à lui seul. Si cela ne suffisait pas, l’insaisissable Londonien offrait à la mi-juillet via son site internet une mixtape baptisée 88 à quiconque réussissait à venir à bout d’une subtile devinette. Que répondre à ce mystérieux “fate with love” qui s’affichait sur l’écran et dont le seul but était de protéger la diffusion gratuite d’une seule et même piste fractionnée sur une quarantaine de minutes ?
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“Karma and desire”, répliquèrent illico les plus malins, soit le nom du sixième lp de Darren Cunningham sous l’alias Actress, annoncé en mai 2019 et attendu depuis des mois pour finalement débarquer cet automne. Sans trop révéler ses intentions, l’Anglais livrait dans la foulée un indice supplémentaire sur le contenu de son nouvel album. Selon ses mots, Karma & Desire est “une tragédie romantique qui prend place entre les cieux et l’enfer”. Au destin lié à l’amour, au karma doublé du désir, s’ajoutent les limbes et le paradis. Le décor est planté.
Sur les débris de la techno et de la house
Figure majeure de la scène électronique britannique de ces dernières années, Actress n’a cessé d’explorer les strates les plus sombres d’un monde angoissé et angoissant. Des abîmes de R.I.P. (2012) à la métropole plus lumineuse d’AZD (2017), en passant par les bas-fonds de Ghettoville (2014), le Londonien erre constamment sur les débris de la techno et de la house, du UK garage et de l’ambient, genres dont il s’est efforcé de démolir les canons.
Sur Karma & Desire, album narratif aux faux airs de Divine Comédie revisitée, où Many Seas, Many Rivers, plage aride de huit minutes distordues, tient lieu de purgatoire, il arpente les différents cercles de son inconscient et confronte en permanence l’ombre à la lumière, le dancefloor à l’avant-garde et l’homme à la machine.
Le piano y occupe une place prépondérante et, fait inédit dans la discographie d’Actress, les voix humaines viennent même s’inviter sur une poignée de morceaux (le superbe épilogue Walking Flames interprété par Sampha). A la croisée de la musique contemporaine et de l’électronique, Darren Cunningham assemble ses obsessions tiraillées pour mieux les confondre. De quoi garder le mystère intact.
Karma & Desire Ninja Tune/PIAS
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