Retour en grâce du héros christique du rock français, avec un troisième album puissant et punitif. L’underground parisien est en PLS.
Un samedi soir comme un autre en banlieue parisienne. Dans le jardin de la grande colocation où s’entasse le gang du Villejuif Underground (Born Bad Records), Geoffroy Laporte, aka Geoff aka Jessica93, passe en revue sa courte mais tonitruante discographie, avec une lucidité déconcertante et une conclusion un peu sévère : “Who Cares, mon premier album, avait un son digital mais assez cool et incisif, alors que sur Rise, le second, on a fait n’importe quoi. Ça faisait trop Pro Tools, mais Pro Tools basique, tu vois ? L’envie avec Guilty Species, c’était de travailler sur de l’analogique.”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Une éthique grunge érigé au rang d’art de vivre
Enregistré sur un 8-pistes à bandes magnétiques à l’aide d’une vieille console dégotée par le fidèle Vincent Gregorio, avec qui Geoff bosse depuis le début du projet, Guilty Species se déploie comme aucun disque de Jessica93 jusqu’ici et vient en quelque sorte réparer ce grand malentendu de l’histoire de l’underground français, qui voulait que Geoffroy fasse de la cold-wave alors que lui pensait sonner comme un groupe de Seattle.
Une façon de rendre enfin justice à une musique à la fois abrasive et DIY, éthique que Laporte érige au rang d’art de vivre, au point d’aller dans des Cash Converters de banlieue pour dénicher sa nouvelle guitare, quand d’autres préfèrent claquer un an de salaire chez Guitar Center sur Sunset Boulevard ou dans quelques boutiques chics de Pigalle :
“Je joue avec une Squier qui m’ a coûté trente balles, raconte-t-il. A la base elle était même à 49,49 euros, tu peux encore voir l’étiquette. Quand je l’ai branchée devant le vendeur, elle ne marchait pas. Il m’a fait un prix et quand je suis rentré chez moi et que je l’ai ouverte, j’ai vu qu’il y avait deux fils qui se touchaient. Je les ai écartés et la guitare marchait très bien au final. L’album a donc été enregistré avec une guitare à trente balles.”
Cette politique de réduction des coûts ne va pas dans le sens du grand chambardement scénique qui accompagne la sortie de Guilty Species. Jess93 est désormais constitué en véritable groupe, avec basse, guitares et même ce génie de David Snug aux boîtes à rythmes et aux cymbales.
Une formule déjà expérimentée en studio sur Bed Bugs, l’un des titres les plus stoner et romantique de l’œuvre dark metal du kid de Bondy, sur lequel on peut entendre Geoff hurler d’une voix raclée et lancinante “I want to share my bed bugs” (“je veux partager mes punaises de lit”). Un idéal de vie grunge poussé à son paroxysme, pour un album qui devrait, s’il existe un peu de bon sens en ce bas monde, raviver une certaine flamme éternelle.
Guilty Species est disponible sur Apple Music.
{"type":"Banniere-Basse"}