Deux ans après avoir purgé ses angoisses existentielles avec un disque enregistré pendant le confinement, la pop star embrasse ses premières amours pour les charts avec un album charmant, mais qui peine à marquer les esprits.
Un spectre hante la discographie de Charli XCX : celui de l’hyperpop. Depuis le virage opéré en 2016 avec son EP Vroom Vroom, la musicienne participe à la démocratisation du style à l’opulente plastique sous l’égide du pape du registre, le producteur et boss du label PC Music A.G. Cook – également directeur artistique de la chanteuse. Une collaboration en forme de pied de nez au début de carrière de la star, dont les hits jusqu’alors taillés pour les ondes (Boom Clap, Break The Rules, I Love It…) la prophétisaient en Britney Spears des années 2010.
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Mais après quatre efforts (deux inattaquables mixtapes et deux albums plus fragiles) passés à se jouer des codes de la pop en empruntant les chemins de l’exubérance et de la déconstruction, il semble que Charli XCX se refuse aujourd’hui à persévérer dans la subversion qui caractérise son style. C’est ce que figure ce cinquième disque en forme de déclaration d’amour au mainstream, euphorique cérémonie funéraire de la démarche qui semblait pourtant avoir sauvé sa carrière d’un conditionnement aux carcans les plus poussifs de l’industrie.
Fin d’une époque
C’est donc en avatar de Victor Frankenstein que Charli XCX se montre déterminée à mettre à mort la monstrueuse créature qu’elle a créée (une peine légitimée par la récente conversion à l’hyperpop de la star du drag RuPaul). Un retour aux sources déjà catalysé dans Good Ones, infaillible capsule pop partagée en prologue du disque où la chanteuse ironise sur son revirement : “Le morceau fait référence aux moments où l’on se détache d’une personne sûre, stable et encourageante pour se tourner vers quelqu’un de dangereux ou de toxique”, dévoilait l’intéressée en interview chez MET107.
De quoi enterrer, autant au sens propre qu’au figuré, l’image audacieuse que la musicienne s’est construite au cours des cinq dernières années. Pas étonnant, dès lors, de la voir mettre les bouchées doubles pour faire passer la pilule : de la palette de producteurs (Oneohtrix Point Never notamment) aux samples éculés (Cry For You de September et Show Me Love de Robin S) qui constituent le projet, Crash est un disque qui suit à la lettre le cahier des charges d’un satisfaisant effort de pop.
Sans tomber dans l’écueil de l’album gonflé de tubes à l’obsolescence programmée, l’enregistrement parvient à se placer comme pivot de la désormais cyclique carrière de la star. Le pari est donc salutaire, mais il pose malgré lui davantage de questions qu’il n’apporte de réponses. Autant par son mix paresseux qu’avec son hésitante plastique rétro, Crash laisse une impression douce-amère, comme si son manque de radicalité l’empêchait de véritablement tourner une page de la discographie de Charli XCX. Au point que seules les idoines pépites Constant Repeat et Lightning ont une chance de s’ériger en vestige de leur ère.
Crash (Atlantic Records/Warner Music). Sortie le 18 mars. Concert le 25 mai à Paris (Trianon).
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