Après une longue mise en pause, le quintette londonien livre (enfin) son attendu – et très réussi – troisième album, alliage idéal d’évidence mélodique et de virulence sonique.
Impulsé en 2014, Ulrika Spacek a fait une apparition fracassante en publiant à un an d’intervalle ses deux excellents premiers albums, The Album Paranoïa (2016) et Modern English Decoration (2017), dans la veine d’un rock cotonneux tissé de mélodies cristallines et hérissé de stridences soniques (surtout le deuxième). Toutes guitares en avant, le groupe s’est ainsi d’emblée propulsé à la pointe de la scène britannique – le genre de (vraie) révélation à suivre de (très) près.
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En avril 2018, à l’occasion du Disquaire Day, est sorti l’EP Suggestive Listening, qui contient cinq chansons plus douces et harmonieuses, le tout séduisant, mais de moindre intensité que les deux longs formats. Sous la pression d’un (trop ?) rapide tourbillon ascensionnel, le groupe a par ailleurs été délogé courant 2018 de son refuge-studio londonien, pour cause de gentrification avancée, et s’est retrouvé d’un coup contraint de travailler dans un studio professionnel : des tensions internes sont inévitablement apparues, le troisième album en gestation s’est enlisé, la pandémie de Covid-19 n’a pas arrangé les choses.
Entre son yin mélodique et son yang sonique
La pause s’éternisant, on commençait à voir planer le spectre de la faille spatio-temporelle extra-large, à l’image de ce que My Bloody Valentine (l’un de leurs flagrants modèles) a vécu après son légendaire deuxième album, Loveless. Au final, il se sera écoulé “seulement” six ans entre Modern English Decoration et Compact Trauma, qui paraît en cette fin d’hiver 2023, toujours chez Tough Love, leur fidèle label.
Toujours mené par le chanteur et guitariste Rhys Edwards (son principal acolyte originel, Rhys Williams, ayant lui quitté le navire entre-temps, remplacé par le guitariste Adam Beach), le groupe possède à l’évidence une forte capacité de résilience. Rien, en tout cas, sur ce tant attendu troisième album ne laisse deviner les épreuves auxquelles il a dû faire face. Plus que jamais, oscillant entre jangle pop, postpunk, noise et shoegaze, leur musique offre un parfait condensé du meilleur rock indie de ces quarante dernières années – outre MBV, Spacemen 3, Pavement, Sonic Youth et Deerhunter qui apparaissent comme des influences déterminantes.
En outre, Ulrika Spacek semble atteindre ici un point d’équilibre idéal entre son yin mélodique et son yang sonique, comme la splendide chanson inaugurale, The Sheer Drop, le montre avec un éclat particulier. L’album égrène ainsi sans faiblir des ballades entraînantes et (plus ou moins) dissonantes, transpercées par-ci par-là de vigoureux pics électriques, notamment sur Diskbänksrealism, Compact Trauma et If The Wheels Are Coming Off, The Wheels Are Coming Off.
Compact Trauma (Tough Love Records/Kuroneko), sortie le 10 mars.
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